jeudi 29 mars 2007

La campagne déraille gare du Nord / N. Domenach

Marianne

on voulait croire, ou faire croire, que Nicolas Sarkozy, l'ex-ministre de l'Intérieur, avait remporté au moins une victoire : il avait terrassé le sentiment d'insécurité. Sur ce point de la « com » au moins, son succès ne peut être contesté.

Mais l'arrivée de son successeur à Beauvau présentait le risque de dissiper brutalement le sortilège. Car le nouveau ministre de l'Intérieur, François Baroin, être fin et amical, ancien journaliste et pécheur romantique à la truite, un de ces fils que Chirac n'a pas eus, ce jeune homme (41 ans !) n'avait pas le profil du poste. A Beauvau, pour en imposer, il faut être soit un gros à faconde, un tartarin genre Pasqua, soit un grand maigre austère, style Pierre Joxe, soit enfin un petit nerveux hypervitaminé comme Nicolas Sarkozy. Mais « Harry Potter le gracile », ça ne le fait pas. Comme le dit Nicolas Canteloup, « il fait tellement premier de la classe, même s'il a changé ses lunettes pour les verres de contact, on se dit qu'il va se faire racketter ses kinders »...

Drapés dans le drapeau / Olivier Galland

Telos - Agence Intellectuelle

Les enquêtes montrent que le sentiment d’appartenance collective est au plus bas en France, par rapport aux pays européens comparables
...
La France a perdu le ciment moral de son identité catholique, et elle n’a jamais partagé la culture civique des pays protestants. L’idéal républicain lui-même s’est effrité avec les doutes émis sur la promotion sociale et le maintien des mécanismes de solidarité collective.
...
Les Français peinent aujourd’hui à trouver des raisons de vivre ensemble, si ce n’est dans l’attachement à un état antérieur de la société et de ses valeurs dont ils sentent pourtant confusément qu’il n’est plus adapté à l’état du monde. Les candidats n’ont pas choisi de confronter les Français à cette réalité pénible – il est vrai peu payante électoralement – mais plutôt de leur injecter l’anesthésiant des valeurs patriotiques.

Lepenisation (rappel)

La république des livres » Blog Archive » La campagne prise aux mots 1

Rien de tel que ces dictionnaires légers mais solides pour rafraichir les mémoires et rappeler, par exemple, qu’en 1995 déjà, le programme d’un parti politique proposait la création d’un “grand ministère de l’Identité française”, celui du Front national.

C'est les trotskistes les plus forts!

Lundi soir, à Paris, on regardait l'émission "Mots croisés", 12 représentants des 12 candidats, même temps de parole et trois trotskistes, 3 sur 12, ça fait un quart du temps de parole, 25%. On a dit et redit que la gauche de la gauche avait été nulle, pas foutue de s'accorder sur un candidat commun, je me dis, moi, que c'est pas mal joué (1/4 du temps pour les seuls trotskistes, 1/3 avec la candidature communiste), vu que le but des trotskistes, c'est pas vraiment d'être élus à la présidence.

mercredi 28 mars 2007

Le néo-capitalisme anti-libéral selon Marianne

Les réformes de Marianne (5/7) : revenir aux fondements du libéralisme

ce qui s'avère de plus en plus nécessaire et urgent, c'est de restaurer certaines valeurs, certains principes fondamentaux du libéralisme, tels que la Révolution française les a portés, et auxquels le néocapitalisme est en train de porter systématiquement et radicalement atteinte la pluralité éradiquée par l'unicité monopolistique; la concurrence mise à mal par les abus de position dominante; l'accès au marché et la propriété démocratique étouffés par les fusions-concentrations et les ententes; la liberté d'entreprendre asphyxiée par la financiarisation.

Jambon beurre ou tapas




Lundi soir à Paris, de part et d'autre du boulevard Voltaire, à Saint-Ambroise.

L'évaluation libérale d'Alain Madelin

Le Monde.fr

Nicolas Sarkozy a proposé une exonération des droits de succession. Si j'avais un choix à faire, en tant que libéral, je choisirais de les maintenir, sur les grandes successions, voire même de les augmenter, en échange d'une suppression de l'impôt sur la fortune. Il est plus intelligent de frapper la fortune quand elle se transmet que quand elle se crée. Une solution intermédiaire est de réformer l'impôt sur la fortune sous la forme d'un à-valoir sur les droits de succession.

Aux Etats-Unis, quand Bush a fait la même proposition que Sarkozy de supprimer les droits de succession, vous avez eu une pétition des milliardaires américains pour dire "ce serait scandaleux, on n'en veut pas". Je n'ai pas vu la même pétition des milliardaires français.
...
C'est avec un peu de tristesse que je vois le débat de 2007, non seulement ne pas articuler de politique économique claire pour l'avenir, mais de plus, nous offrir une campagne, dans cette dernière ligne droite qui est celle des postures, totalement occultée par la question "essentielle" de l'identité nationale et des drapeaux tricolores aux fenêtres. Je regarde cela un peu navré. Mais enfin, je suis ravi que l'orchestre du Titanic joue "La Marseillaise".

Ecole, mythe et mirage de la démocratisation, par Alain Bentolila

Le Monde.fr :

Si elle a réussi la massification de ses effectifs, l'école a raté sa démocratisation. Le résultat a été la constitution de ghettos scolaires, de zones de relégation et l'ouverture des couloirs honteux de l'illettrisme qui traversent notre école. Nous vivons depuis des années sur un mythe : la démocratisation de l'éducation se jugerait à sa capacité de maintenir le plus longtemps possible le plus d'élèves possible dans le système scolaire. Se sont donc trouvées confondues la longévité scolaire avec l'efficacité et la qualité des enseignements.
...
Quel est aujourd'hui celle ou celui qui osera prendre des décisions nécessaires et impopulaires dont les fruits ne mûriront que dans des années et que savoureront ses successeurs et peut-être ses adversaires politiques ? Lequel ou laquelle aura cette sagesse et cette humilité ?
(via Strani)

dimanche 25 mars 2007

Vladimir Poutine régule le web

Dans l'IHT du 15 mars:
Le président Vladimir Poutine a décrété la création d'une agence de régulation des médias et de l'internet, provoquant la crainte chez certains journalistes russes la crainte d'un effort pour étendre le contrôle étroit de la presse au relativement libre Web.
Poutine a signé un décret cette semaine, fusionnant 2 agences existantes en une qui attribuera licence aux diffuseurs, journaux et sites web et supervisera leur contenu éditorial.

samedi 24 mars 2007

Police 1 - Prophète 0

Affaire "Placid", caricature de policier: condamnation en appel.
Affaire "Charlie-Hebdo", caricature du prophète de l'islam: relaxe.

Sur l'"affaire Placid", voir le billet sur le blogue de maître Eolas, qui note que la plainte a été déposée par Daniel Vaillant et non par son successeur, Nicolas Sarkozy et qui met un lien vers le blogue solidaire des dessinateurs.

Sur l'"affaire Charlie-Hebdo", voir cet autre billet, chez maître Eolas toujours. Les attendus du jugement concernant le dessin danois le plus diffusé, celui du turban-bombe, en notant que celui-ci:
laisse clairement entendre que cette violence terroriste serait inhérente à la religion musulmane.
puis en ajoutant, pour justifier la relaxe que
en dépit du caractère choquant, voire blessant, de cette caricature pour la sensibilité des musulmans, le contexte et les circonstances de sa publication dans le journal Charlie-Hebdo apparaissent exclusifs de toute volonté délibérée d’offenser directement et gratuitement l’ensemble des musulmans; que les limites admissibles de la liberté d’expression n’ont donc pas été dépassées
montre que l'action en justice des associations musulmanes n'était pas totalement impertinente (voir le communiqué du CFCM qui se déclare, du fait des attendus, relativement satisfait - et Jules, de Diner's Room explique que si les parties s'étaient contentées d'attaquer au civil, elles auraient pu avoir satisfaction) et que dans toute cette affaire, ni dans son déclenchement, ni dans son déroulement judiciaire, ni dans sa conclusion prévisible, il n'y a eu matière à indignation ou protestation vertueuse.

Y aurait-il matière à protestation dans l'affaire Placid? Maître Eolas pense que non:
On peut regretter cette décision de la cour d'appel ; j'avoue en être, aimant la liberté d'expression jusque dans ses excès. Mais je ne dis pas le droit, j'en propose juste une interprétation plus ou moins imaginative selon la détresse de mon client.
S'en indigner est en revanche injustifié.
Jacques Richaud, sur Indymédia Paris, dans un billet qui met lui aussi en parallèle l'affaire "Charlie-Hebdo" et l'affaire "Placid", est d'un autre avis et, à l'occasion, rappelle le contexte politique:
Il est utile de rappeler que le plaignant était Daniel VAILLANT, ministre socialiste de l'Intérieur ayant succédé à Jean Pierre CHEVENEMENT dans le gouvernement de la « gauche plurielle » de Lionel JOSPIN.
Il est utile aussi de rappeler que le candidat Lionel JOSPIN dans la campagne qui avait succédé à la dissolution du gouvernement d'Alain JUPPE avec appel à de nouvelles élections législatives, s'était engagé à « Abroger les lois PASQUA-DEBRE » dont les excès avaient défrayé les chroniques pendant de longs mois. Cette promesse ne sera jamais tenue et ces lois seront même renforcées, d'abord par Jean Pierre CHEVENEMENT (l'homme des « sauvageons ») puis par Daniel VAILLANT. C'est dans ce contexte que plainte a été déposée en décembre 2001 contre les trois personnes concernées.
Mais entre la plainte et le jugement est intervenu un certain « 21 avril 2002 » avec la chute de JOSPIN et le retour de la droite au pouvoir (...). Les prérogatives de la police et de la justice auront évolué sous l'influence des lois PERBEN un et PERBEN deux...
(...)
la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS) présentait le 8 mars 2007 son rapport annuel confirmant l'augmentation de 25% en 2006 par rapport à 2005 des saisines de cette commission pour des « violences illégitimes », des « menotages et fouilles à corps » excessifs, en « non-conformité avec la circulaire du ministère de l'intérieur du 11 mars 2003 » sur « le respect de la dignité des gardés à vue ». Il est noté aussi « une inflation des procédures pour outrages engagées de manière trop systématique », y compris englobant « le fait d'être photographié ou filmé durant leurs interventions » ; des plaignants ont même été poursuivis pour « dénonciation calomnieuse ». Enfin la commission s'inquiète que le projet de loi de prévention de la délinquance (qui vient d'être adopté) comporte un amendement introduisant la présence d'un « commissaire du gouvernement » nommé par le Premier ministre au sein de la CNDS qui y voit une menace sur son indépendance.
Le gras est de moi, pour rappeler les dispositions prétenduement "anti happy slapping" de la dite loi de prévention de la délinquance.

Maître Eolas conclut son billet en remarquant:
Gardons nous en tout cas d'invoquer des mots trop forts, il n'y en a eu que trop dans cette affaire. Dans les pays où la censure existe vraiment, dénoncer publiquement les méfaits de la police fait encourir bien pire que mille euros d'amende.
Certes mais cela signifie-t-il que dans "nos démocraties" nos libertés, d'être proclamées, sont immenaçables, sinon par des organisations ou des mouvements inspirées par des valeurs étrangères à nos traditions? Le "Patriot Act" aux Etats-Unis, la prise de contrôle berlusconienne des médias en Italie ne sont-ils pas une menace sur les libertés de leurs citoyens? Y a-t-il une frontière si étanche, si infranchissable entre la démocratie et la dictature? Entre 1000 € et la torture où situer le seuil au delà duquel les mots cesseraient d'être trop forts?

vendredi 23 mars 2007

La bourde de Cavada

Je viens de dépublier mon billet de ce matin où je repérais une (très grosse) bourde faite par Jean-Marie Cavada ce matin sur France-Culture. Toute la journée j'en ai gardé comme un arrière-goût désagréable. Je voulais noter pour réflexion, je ne voulais pas dénoncer mais je me suis dit que ça ressemblait à une dénonciation... Pas envie de tirer sur une ambulance.

[MàJ - 6.05: Je republie maintenant que la campagne est terminée.]

jeudi 22 mars 2007

"Gardez-moi de mes amis..."

Ce matin sur France-Culture, Jean-Marie Cavada, collaborateur de François Bayrou : "la terre ne ment pas." (... "que la terre est lourde, lente mais qu'elle ne ment pas"). J'en crois pas mes oreilles.

Mardi, Pierre Marcelle:
S'il n'est partout, on a cru apercevoir son essence apostolique juchée sur un tracteur, labourant la glèbe oecuménique, brisant les mottes de droite et les mottes de gauche pour tracer l'éternel sillon d'une union nationale, sinon d'une révolution.
Je me dis: "Il y va un peu fort sur le soupçon, Marcelle."

Lundi, Nicolas Sarkozy attaque sur le tracteur, hier soir François Bayrou répond et du coup son discours prend des accents limite populiste et ce matin, plaf, Cavada saute dans le piège à pieds joints. Personne autour d'Ali Baddou ne relève, ce qui rappelle un peu Barre chez Enthoven.
Je ne sais pas si la bourde de Cavada révèle l'essence pétainiste du projet centriste, j'en doute plutôt. Ce que ça révèle en tous cas, c'est un manque de vigilance de ce côté. L'histoire de la démocratie chrétienne, que François Bayrou devrait connaître au moins aussi bien que Marcelle, les récents dérapages de Raymond Barre auraient dû prévenir l'équipe orange, visiblement ce n'est pas le cas, ou dans l'inconscient seulement.

PS. J'ajoute que je trouve tout ça bien dommage parce que se payer la figure de quelqu'un du fait qu'il lui arrive de se servir d'un tracteur, c'est effectivement méprisant, que Cavada, au cours de la même émission, utilise la notion de "bourgeoisie de fonction" qui n'est pas inintéressante et que par ailleurs, à dénoncer à la Laguiller les "milliardaires du CAC 40", François Bayrou brouille la lisibilité de son approche politique-institutionnelle où je continue à reconnaître une certaine pertinence (et une grande part de l'intérêt de cette campagne).

MàJ: sur le tracteur, voir le dernier billet de Jean Véronis. Il termine: "Sarkozy aurait mieux fait de se taire…". D'un point de vue moral, certes, mais d'un point de vue tactique?

jeudi 15 mars 2007

Noblesse d'Etat

Origine professionelle des grands patrons des grandes entreprises:

47 % en France ont fait carrière dans la fonction publique
11 % en Allemagne
29 % au Royaume-Uni

21 % en France ont fait carrière dans l'entreprise
66 % en Allemagne
51 % au Royaume-Uni

(Tableau 6a, p.44 dans le Capitalisme d'héritiers: la crise française du travail / Thomas Philippon.- Le Seuil, 2007. Thomas Philippon indique que ces chiffres sont ceux de Michel Bauer et qu'un pointage ultérieur montre une diminution du parachutage. - cité chez Sylvain Bourmeau: La crise française du travail, émission du mardi 13 mars 2007)

mercredi 14 mars 2007

Sarkozy et les croisades

Lundi matin, Nicolas Sarkozy, reprenait la citation de Marc Bloch que j'avais faite l'autre jour. Sur la ligne de l'identité française inclusive, il en rajoute un bout selon une dépèche AFP relevée par Tom, des Chroniques de Beyoglu:
"Il nous faut retrouver cette foi dans l'avenir, cette foi dans les capacités humaines et dans le génie français", a-t-il dit en se référant à "la France des croisades et des cathédrales, la France des droits de l'homme et de la Révolution".

mardi 13 mars 2007

L'audit des Nobel

"... ce qui est intéressant, c’est que ces cinq Nobel, cinq Américains, tous les Nobel ou presque dans cette discipline le sont, ces cinq Nobel donc sont de sensibilités extrêmement différentes. Il y a, parmi eux, un grand classique - Paul Samuelson, le Nobel 70. Un keynésien, Robert Solow, Nobel 87. Un ultra-libéral, Gary Becker, Nobel 92. Bref, ils sont de gauche, de droite et du centre. Ils ont chacun leurs petites obsessions sur la France. Ils font pourtant le même diagnostic, exactement le même. Pour ces cinq Nobel, le problème numéro un de la France, ce n’est ni la dette, ni l’ISF, ni l’école, non, son problème numéro, c’est le marché du travail. Un marché trop rigide. Trop égalitaire. Trop uniformisateur. Conséquence : si les Français sont très productifs, les plus productifs au monde, s’ils peuvent être très créatifs, ils sont aussi, dans les pays riches, les moins motivés au travail. C’est, pour ces Nobel, le mal numéro un dont souffre l’économie française.
...
Cela passe, c’est selon, par un allégement des charges sur le travail, une révision du code du travail, une acceptation d’une plus grande diversité, la fin de certains privilèges, bref, par une remise en cause du modèle social français, ce modèle considéré par l’un d’entre eux, Paul Samuelson, comme le plus inefficace du monde européen !"
Siam pas sortits !

A lire sur le blogue d'Erik Israelewicz.

MàJ (14.03): Réactions plutôt indignées dans les commentaires sur le blogue d'Econoclaste. Il est vrai que l'audit des Nobel est présenté par le biais d'un article de Radio-Canada assez brutalement sommaire. Les nobels s'expriment un peu plus longuement sur le site dédié des Echos.

mercredi 7 mars 2007

Bêtises et "effet femme"

La candidate, dont l'adversaire stigmatise les prétendues bêtises qu'elle profèrerait, rétorque en dénonçant le machisme de l'argument. Si elle était élue, reprend l'adversaire, ce serait parce qu'elle bénéficierait de l'"effet femme", parce que les électeurs voudront avoir une femme dans l'Exécutif. La candidate est blonde, de droite et ça se passe en Suisse.

Jean-Marie Bockel sur l'effet Bayrou

Bockel et la progression de Bayrou, sur Initiative Européenne et Sociale. Ou une autre stratégie socialiste face à la progression de François Bayrou (cf. mes deux précédents billets).

Extraits:
Comment les socialistes doivent- ils combattre le danger Bayrou?

Ce fut le débat lors du dernier conseil politique du PS. Certains pensent que le phénomène n’est pas un vrai danger et qu’on peut l’ignorer, le centre n’étant qu’une force d’appoint. Pour d’autres, plus le PS sera à gauche, moins il y aura de flottements de ce côté-là.

D’autres encore estiment qu’il faut « cogner » contre Bayrou. Moi, je pense que ce serait une erreur de dire aux électeurs attirés par Bayrou: celui qui vous séduit n’est pas quelqu’un de valable. Nous devons leur dire : nous ne sommes pas ceux que vous croyez, nous sommes des socialistes, efficaces, justes, pragmatiques, réformistes.

Personne ne m’a chargé de quoi que ce soit, mais je m’investis totalement dans cette mission de parler aux électeurs de Bayrou. En 1988, François Mitterrand a été réélu aussi par les électeurs allant du centre droit au centre gauche. Il s’est adressé à eux par-dessus le PS, qui, déjà, n’avait pas su se moderniser.

Bayrou fait des clins d’oeil à DSK, parle de créer un grand «parti démocrate», qu’en pensez-vous?

Mon objectif est de faire gagner Ségolène Royal. Ce sera donc à elle de décider, le moment venu, du degré d’ouverture à opérer. Mais l’idée qu’il puisse y avoir, pour un temps limité et sous une forme à inventer, une union de toutes les énergies républicaines par delà la droite et la gauche n’est pas à jeter aux orties. J’ai déjà évoqué cette idée lors de la crise des banlieues. François Bayrou n’a pas le monopole de « l’union nationale ».

mardi 6 mars 2007

Cincinnatus ou Bonaparte

Etre indécis, ce n'est pas forcément "ne pas savoir ce qu'on veut". Les enjeux de la présente campagne et les incertitudes sur la réalité des politiques que mèneraient les candidats après leur élection sont assez importants pour qu'il soit raisonnable, à moins d'être déjà engagé dans un combat politique identifié avec l'un ou l'autre des candidats, de ne pas se décider trop tôt. C'est que le déroulement de la campagne peut encore offrir des occasions de mieux imaginer les éventuelles politiques futures. Ainsi il me semble que, peut-être un peu enivré par le succès de sa campagne jusqu'à présent et son tout frais passage de la barre des 20%, François Bayrou, dont la campagne me paraissait jusqu'ici à peu près impeccable, a fait je crois son premier faux pas en se prononçant pour la création d'un "grand parti démocrate".

On lui faisait un mauvais procès, amha, lorsqu'on soulignait son appartenance à la droite. Le projet de stratégie politique qu'il avait exposé, en particulier lors de son émission sur France 2, était clair: il faut faire travailler ensemble des hommes qui par-delà ce qu'il appelle le "mur de verre" partagent la conviction qu'un certain nombres d'actions sont à entreprendre d'urgence, sans les appeler pour autant à se renier, sans les appeler à renoncer à ce qu'il a appelé leurs "valeurs". En d'autres termes les circonstances présentes doivent amener à travailler ensemble des hommes qui en d'autres circonstances pourraient s'opposer. Et lorsqu'on lui opposait le bi-partisme de nos institutions, FB répondait, de façon assez convaincante, m'a-t-il semblé, par la dynamique présidentielle des institutions de la 5e république (qui avait manqué à Pierre Mendès-France). Cette logique correspond assez bien à l'embarras d'une partie de l'électorat de gauche, particulièrement socialiste, résultat de l'escamotage des conséquences du référendum européen, ceux qui ont voté oui et ceux qui ont voté non sans voter pour un repli national, ceux-là éprouvent quelque répugnance à voter pour ou avec la gauche national-étatiste, Emmanuelli ou Mélanchon au PS, JP Chevènement, au-dehors et plus tard MG Buffet... Contrairement aux analyses baroques de Laurent Joffrin, je suppose que c'est parmi eux que se recrutent la plupart des "bayrouistes de gauche". Ce vote Bayrou est un vote qui se justifie "dans les circonstances présentes", il ne suppose pas la conviction que tout d'un coup la division entre gauche et droite ait perdu toute pertinence théorique et pratique, il ne suppose pas un reniement. Pour cette partie l'élection de FB ou même un résultat significatif dudit est aussi une façon d'obliger le PS au travail nécessaire de clarification idéologique qu'il rechigne à faire. Le "grand parti démocrate" évoqué par Bayrou ne correspond pas à cette attente (selon les termes d'Eleassar, il vient augmenter le coût psychologique du changement d'intention de vote) et il ne me surprendrait pas que les courbes ascendantes des sondages bayrousiens subissent un sérieux hoquet dans les jours qui viennent.

Ah... et pourquoi Cincinnatus et Bonaparte? J'aurais pu écrire "Mendès-France ou De Gaulle", puisque ce sont ces deux figures que FB a évoquées comme exemples mais ça n'aurait pas été tout à fait juste pour le second. Ce matin, Olivier Duhamel comparait le statut futur du président de la République dans les projets des principaux candidats et en déduisait une critique de François Bayrou, accusé à la fois de césarisme et d'hypocrisie. Je crois la critique partiale. En particulier parce que le vice monarchique de l'exécutif dans nos institutions ne se résume pas au pouvoir du président de la république, il tient aussi à la structure courtisane de la répartition du pouvoir depuis le sommet de l'Etat vers les organes d'exécution (de ce point de vue voir parmi les soutiens de Ségolène Royal des personnes qui ont reçu leur pouvoir de leur proximité au chef de l'Etat et qui l'on conservé lorsque celui-ci a changé, ne me rassure pas quant à la probabilité d'une réforme de l'exercice du pouvoir si celle-ci était élue). Je ne sais pas si le projet de FB quant au statut du chef de l'Etat est un bon projet, faute d'avoir pris le temps de l'examiner et d'y réfléchir, mais ce qui me semble, c'est qu'un pouvoir fort pour le chef de l'exécutif ne se justifie que dans des circonstances particulières, d'urgence, et avec comme finalité le rétablissement d'une situation où ce pouvoir fort n'est pas souhaitable.

Tout cela ne fait pas un argument définitif contre un vote Bayrou de gauche. Cela devrait, si tout ce qui précède n'est pas trop délirant, rappeler aux électeurs de gauche qui voteraient Bayrou que leur vote n'est pas un vote d'adhésion aveugle mais un vote d'alliance et de ciconstance au service de finalités et de valeurs qui restent les mêmes.

lundi 5 mars 2007

Les bobos de Libé

Editorial de Laurent Joffrin, vendredi:
"Qui sont ces gens de gauche qui s'apprêtent à voter Bayrou ? La réponse n'est pas compliquée : ceux qui ont cru, en 1995, que Jacques Chirac, plus que Balladur et même que Jospin, allait «réduire la fracture sociale». Ceux qui ont pensé, le 21 avril 2002, que refuser leur voix au PS pour choisir Besancenot, Taubira ou Chevènement obligerait le candidat socialiste à faire des choix plus audacieux. Bref ceux qui, dans des circonstances importantes pour la gauche ­ et avec les meilleures intentions du monde ­ se sont toujours trompés."
Ce me semble, pour 95 autant que pour 2002, aussi loin de la réalité que possible. Je suppose que Joffrin devait avoir en tête des souvenirs traumatisants, sinon je ne m'explique pas le baroque de cette "réponse pas compliquée"!


Sur ce numéro de Libé, voir le billet de Versac:
"Quand je vois Libé, ce matin, en être réduit à l'appel au bobo, cette invention totale, ce concept passe-partout débile, ce nouvel intégrateur négatif de la société française, ce synonyme de parisien des élites oui-iste inconséquent, je me dis que, oui, Bayrou mériterait peut-être mon vote. Et que Joffrin est en train de me faire de plus en plus regretter ce journal que j'aimais avec ces procédés grossiers, qui prennent le masque de l'objectivité pour faire du militantisme balourd."
Voir aussi le billet d'Eleassar sur Optimum (que je découvre) à quoi renvoie Versac:

Il faut tout d'abord ne pas manquer de voir dans ces attaques un terrible aveu de faiblesse. J'aurais trouvé logique et convaincant qu'on me dise "toi qui te dis de gauche, il faut que tu votes Ségolène Royal plutôt que François Bayrou, elle est bien meilleure car ..." et s'ensuit un discours enflammé vantant la compétence de la candidate et l'intelligence de son programme. Je discute beaucoup de politique, je fréquente des gens plutôt diplômés, plutôt à gauche, et il est quand même frappant que presque personne n'essaie de défendre son projet ni sa méthode "participative". (...) Les fans de Sarkozy qui croisent ma route n'ont eux aucun complexe à défendre leur champion et son programme. Leur stump-speech n'emporte pas en général mon adhésion, mais au moins, j'ai l'impression que eux y croient.

A gauche, point de discours enflammés et point de débat de fond. Au lieu de ça, on commence en général par s'excuser ("tu sais, moi j'étais pour DSK") pour ensuite m'expliquer que voter Bayrou serait la pire des idioties. Parce que son programme est nul ? Non, du tout, en général on m'accorde à demi-mot qu'il est plutôt bon, mais c'est "stratégique, vois-tu. Voter Bayrou, c'est en fait voter Sarko. Et il faut tout faire pour éviter de faire passer Sarko. Et puis Bayrou, c'est un mou de droite, un imposteur" etc. etc., voir le début de ce post pour les citations les plus fleuries, "ne te fais pas avoir".

Cet "argumentaire" ne tient absolument pas la route. Tout faire pour éviter de faire passer Sarko, vraiment ? A en croire les derniers sondages, si vraiment le seul but est de faire obstacle à Sarkozy, on a tout intérêt à abandonner Ségolène Royal en rase campagne et de tous se rallier autour de François Bayrou. Car c'est bien lui qui est le mieux placé pour battre Sarkozy. "Oui, mais Bayrou n'a aucune chance de passer le premier tour" me dira-t-on. Si la gauche sérieuse vote pour lui, si. Et il battra Sarkozy, contrairement à Ségolène Royal.

De plus, si Ségolène est si sure de passer le premier tour, où bon sang est le mal de voter Bayrou ? En quoi est-ce un vote Sarkozy ? Rien, absolument rien ne m'empêche de voter Bayrou au premier tour et de voter Royal au second. Un vote Bayrou est avant tout un vote … Bayrou, pour l’homme et ses idées. Le seul scénario où un vote Bayrou serait un vote Sarko est celui ou voter Bayrou risquerait de faire passer Le Pen plutôt que Royal au premier tour. D'après les sondages, on en est loin et ce n'est pas du tout ce que la "dynamique des courbes", comme disent les sondeurs, laisse penser. Et pourtant, le matraquage stupide "Bayrou=Sarko" et les remarques méprisantes continuent et vont en s’accentuant.

(Tiens, en allant pêcher le lien, je vois que dans l'URL le billet s'appelle "Un-vote-Sego-est-il-un-vote-Sarko". Ce qui semble un lapsus mais la question mérite d'être posée, finalement.)

PS. Pour une argumentation sérieuse contre le vote Bayrou de gauche, loin des matraquages stupides, voir le billet récent de Garibaldo. Après l'avoir lu je me suis dis que c'était drôle que Garibaldo, dont les sympathies politiques ne semblent pas mystérieuses, ait fait un billet pour dire qu'il ne voterait pas Bayrou. Il y a tout de même un malaise.

MàJ (7.03.2007): Laurent Joffrin nuance sérieusement son propos ICI.

dimanche 4 mars 2007

Internet et post-libéralisme

J'écoutais à l'instant d'une oreille l'émission "Questions d'éthique" où Monique Canto-Sperber recevait Gérard Grunberg, auteur avec Zaki Laïdi de "Sortir du pessimisme social: essai sur l'identité de la gauche".
(Extrait de la présentation en ligne: La mondialisation serait le péril principal, et le marché, le diable : la gauche, qui incarna longtemps l'espérance, a-t-elle fini par céder au pessimisme social ? (...) le marché peut aussi être mis au service de la lutte contre les inégalités et que la mondialisation constitue une chance pour quelques milliards d'individus de sortir du dénuement.)
Le propos et la question qu'il pose à la gauche m'apparaît pertinent voire urgent mais voilà que Grunberg argumente:
"Le marché, sans l'aide de l'Etat, a créé le plus grand bien public gratuit de l'histoire avec Internet..."
Hein? L'armée et les universités, ça n'a rien à voir avec l'Etat?

Ce qui est vrai, c'est que la génèse d'Internet, dans son histoire, ne correspond en rien à la conception colbertienne, top-down, étatiste, des Très Grand Projets industriels auxquels nous sommes habitués, le succès de l'internet est le succès d'un réseau qui s'est peu à peu constitué associant des agences gouvernementales, des universités, qui ne sont pas aux Etats-Unis des administrations, et des entreprises commerciales.

Outre la stupéfaction que suscite cette ignorance, chez des intellectuels tentant de repenser la gauche française, de la réalité d'un phénomène comme Internet, cette contre-vérité (qui, me semble-t-il, est très répandue) est le symptôme
dans notre débat politique d'une ankylose du concept devenu central de libéralisme. Les conséquences de cette ankylose (ou idéologisation, ou dogmatisation...) sont dramatiques pour la gauche: en confondant libéralisme et capitalisme, les "anti-libéraux" (la gauche de la gauche, y compris la gauche du PS) ne savent proposer, au-delà des velleités, qu'un renforcement d'un étatisme euphémisé comme "défense du service public", symétriquement, à opposer de façon binaire libéralisme et étatisme, les tenants du social-libéralisme se condamnent à ne proposer qu'une version aménagée du libéralisme de droite.

Pendant ce temps, aux Etats-Unis, entre autres, à partir de la réalité, prise au sérieux, de l'internet et de l'économie de l'information, certains essaient de penser une nouvelle configuration économique, politique et sociale qui n'est plus celle du capitalisme libéral classique (voir par exemple Yochai Benkler: The Wealth of Networks).

(Le problème (pour nous), c'est que ce qu'on pourrait appeler le "post-libéralisme" pousse sur le terrain d'économies et de sociétés libérales or ni l'économie, ni la société françaises ne sont libérales. Ce pourrait être une chance, celle de nous éviter certaines des douleurs de la libéralisation sauvage: il y a des retards féconds, mais pour cela il faudrait avoir la claire volonté d'aller au-delà du "libéralisme" et non de rester en deça et la conscience que le "post-libéralisme" (vers quoi, il me semble tend quelqu'un comme Thierry Crouzet) n'est pas un anti-libéralisme, qu'il est même, dans les conditions particulières de la France, un libéralisme.

La présentation en ligne de Question d'éthique se termine par ces questions:
La désignation de Ségolène Royal marque-t-elle une inflexion dans le rapport de la gauche au monde ? S'agit-il d'un tournant qui permettra précisément à la gauche de se doter d'une nouvelle perspective ?
Bonnes questions, non?

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