Je viens de revoir, pour la troisième fois je crois, "Madame Bovary", le film de Chabrol, et sur la lancée je suis allé relire dans Flaubert même, les dernières pages du roman, la mort d'Emma et ce qui suit, parce que je ne me souvenais pas que la fin, celle de Charles en particulier, fût si dure.
Charles Léandre: mort de Charles Bovary |
Je voulais, à la faveur de l'insomnie, te le dire, au moins par scrupule. Ensuite je me suis mis à faire un parallèle entre Madame Bovary et Middlemarch (où il me semble que le critère fonctionne, sauf l'épisode Featherstone, d'où ma perplexité) et, peut-être, entre la littérature française et la littérature anglaise. Il me semble qu'il y a dans cette dernière quelque chose comme une profonde acceptation de la vie ordinaire alors que rien ne trouve grâce aux yeux de Flaubert (mais je simplifie peut-être: le personnage du père d'Emma fait signe vers autre chose, le Flaubert d'Un cœur simple, peut-être...) ou en termes grossiers que la littérature anglaise, celle de Middlemarch en particulier, serait au fond optimiste où la littérature française serait pessimiste. Je caricature. Le roman de Flaubert s'inscrit parfaitement dans la logique de René Girard, de la vérité romanesque contre le mensonge romantique (l'idée que madame Bovary est un nouveau don Quichotte est, je crois, un lieu commun) alors que chez Eliot si l'illusion romantique est bien démontée, elle l'est de manières multiples et diverses et elle n'est qu'un élément parmi d'autres enjeux. Ce qui a peut-être à voir avec la multiplicité des personnages et des intrigues: l'illusion "romantique" de Dorothea n'est pas celle de Tertius ou de Rosamund ou de Fred, etc. voire de Casaubon. Du coup, j'ai peut-être réponse à ma question, aux questions que je te posais: si Featherstone n'est qu'un rouage3, c'est peut-être parce que lui ne passe par aucune illusion romantique!
30 septembre 2021
Notes (2022.09.06)
(Billet repêché suite à la lecture de l'article de Christian Jacomino publié aujourd'hui.)
1 Cette note a été rédigée sur fond d'un échange avec Anne R. sur Middlemarch de George Eliot. Le post-scriptum dont il est question faisait allusion aux thèses récentes qui font de la fiction et du roman en particulier l'école de l'empathie, thèses qui contre celle de l'art pour l'art qui refuse de reconnaître la moindre utilité collective à la littérature (thèse nabokovienne si je me souviens bien: la délectation éprouvée à la lecture d'un "beau roman", comme Madame Bovary justement, a sa justification en elle-même) tentent de trouver dans le roman une utilité sociale, sur fond évolutionniste. Cette échange avec Anne se faisait à propos de l'épisode "Featherstone" dans Middlemarch qui fera peut-être l'objet d'une note particulière ici.
2 L'hypothèse était la suivante: "Je re-songais à une sorte de critère possible entre littérature populaire et littérature littéraire (disons) que dans la première il y a des méchants (des "vilains" plus précisément, méchants ou méprisables), des personnages qui ne peuvent être sauvés (vs des "gentils"). Ce qui est amusant (?), c'est que le critère fonctionne bien mieux, me semble, s'agissant de cinéma ou de télévision, que de littérature."
3 C'était l'hypothèse d'Anne pour répondre à ma perplexité.
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