(Réponse au commentaire de CJ sur Handke, Verdier)
En postant ce billet, je me disais que je m'exposais à la mécompréhension parce qu'au fond ce qui m'avait fait réagir était moins l'affaire Bozonnet elle-même que les réactions qu'elle suscitait ou plus exactement le ton de ces réactions.
Je te remercie de ton commentaire, très précisément ciblé, qui me permet de préciser mon sentiment.
D'abord, et pour être clair, ma réaction n'était pas pour approuver une censure. Et d'ailleurs, dans l'affaire des caricatures, je n'ai pas non plus appelé à la censure. Comme tu le dis, je pense impossible d'exclure toute forme de censure, mais, dans l'ensemble, j'ai plutôt le sentiment qu'on en fait trop plutôt que l'inverse. Dans un cas comme dans l'autre, ce qui m'a fait réagir, c'est le ton des protestations provoquées par ces "censures", l'indignation, la "self-rightousness", l'appel aux grands principes, aux grosses majuscules et du coup le recouvrement de ce qui, sinon légitimait, du moins expliquait les censures dénoncées: l'insulte grossière dans le cas des caricatures danoises, l'action de Milosevic et ses conséquences dans le cas Handke.
Je n'approuve pas la décision de Marcel Bozonnet, ni celle du patron de France-Soir mais je ne les désapprouve pas et je désapprouve le ton de ceux qui les désapprouvent. C'est un position peut-être un peu byzantine mais c'est, pour l'importance que cela a, ce que je pense.
Faut-il rappeler que ces censures ne sont pas des censures d'Etat? Dans le cas des caricatures, c'est le propriétaire du journal qui a licencié son rédacteur en chef, on est dans le domaine privé. Dans le cas Bozonnet/Handke, c'est un peu plus compliqué, puisqu'il s'agit de la Comédie Française. D'abord, comme on l'a dit très vite, il ne s'agit pas d'une censure puisque le texte de la pièce retirée n'est pas en cause. Il s'agirait d'une mise au ban, ce qui serait plus grave, si l'auteur de ce bannissement avait autorité de le prononcer au nom d'une communauté. Or (tu poses très bien la question mais il me semble que Marcel Bozonnet y a déjà répondu) Marcel Bozonnet s'est justifié essentiellement par des motifs personnels. On lui a même reproché cette personnalisation, cette appropriation de la Comédie Française. S'il fallait absolument prendre position, je trouve la position d'Ariane Mnouchkine très raisonnable: sachant ce qu'il savait, pensant ce qu'il pensait, MB n'aurait pas dû programmer la pièce pour commencer. Doit-on lui reprocher d'avoir voulu corriger son erreur lorsque la nouvelle de la présence de Peter Handke aux obsèques de Milosevic lui a rappelé ce qu'il savait et ce qu'il pensait?
(J'ai reçu notification de ton commentaire au moment où j'étais en train de lire ton beau billet de samedi, avec le commentaire de ML. Qui me laissent assez désemparé et... malheureux, comme dirait l'anonyme qui a le premier commenté mon billet sur Handke. Que ce que ramène l'affaire Handke, de ce "tout cela" auquel est lié le nom de Milosevic, ce soit d'abord les bombardements de l'Otan sur Belgrade... J'essaierai de revenir là-dessus.)
PS. le temps que je rédige ce billet, sont arrivés les deux commentaires précédents. Alors en post-scriptum: c'est bien d'imposer son "sens moral" aux autres qu'il s'agit mais dans cette affaire, le moralisme nous ne le sentons pas du même côté. Merci pour le lien vers LL, j'y vais tout de suite.
lundi 8 mai 2006
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