"J'ai des promotions importantes, 300 élèves, qui n'ont pas tous vocation à devenir physiciens, d'ailleurs de moins en moins veulent devenir physiciens, ils vont plutôt vers la technique, le management, etc., mais je pense qu'un ingénieur en 2005 doit connaître des rudiments de relativité, de mécanique quantique également. Ce sont des populations de jeunes avec lesquelles on a du mal à plaquer un formalisme au tableau pendant 3 heures, les amphithéâtres sont de plus en plus difficiles à tenir.
...
Il y a des cours que je donnais il y a 15 ans que je ne peux plus donner parce que l'attention des élèves est plus aléatoire, ils ne sont pas tous intéressés. Donc si je commence par écrire les transformations de Lorenz en dévoilant leurs conséquences ultimes, je perds rapidement la moitié de l'amphi. Il faut trouver des ruses, on peut par exemple jouer sur les paradoxes, commencer par le paradoxe des jumeaux de Langevin et montrer qu'il a une explication parfaitement dans le cadre de la relativité restreinte et que l'idéal du temps newtonien, finalement, est un idéal qu'on peut discuter, on peut aussi montrer que la relativité a des conséquences philosophiques négatives (...) et que ça remet en cause des choses que les étudiants croyaient fermement, on peut aussi faire un peu d'histoire..."
(Etienne Klein sur Science-Frictions (p) l'autre samedi, à propos de ses promotions de l'Ecole Centrale)
La veille (le 22), le directeur de l'enseignement supérieur, Jean-Marc Monteil, était à Nice pour signer le contrat de l'Université de Nice Sophia-Antipolis et pour inaugurer par une conférence la célébration du 40e anniversaire de notre université. Cette conférence (en ligne sur le site de l'UNSA), qui abordait la question de la désaffection des sciences, était donnée sans notes et témoignait d'une pensée vigoureuse et structurée. J'ai regretté cependant que lorsqu'il s'est agi d'illustrer l'intérêt de la science, les deux exemples qui ont été pris l'ont été dans le domaine de la technologie: le téléphone cellulaire qui me permet de converser en temps réel avec un interlocuteur outre-atlantique et le pont de Millau, et non du côté de ce qui fait la spécificité de l'activité scientifique, la libido sciendi ou le plaisir que donne l'exercice de la pensée dans la stricte discipline de la science. Est-ce le meilleur moyen de plaider pour la science que de la soumettre à une finalité extérieure? Il me semble que si l'on dit aux lycéens suceptibles de faire des études scientifiques et de la recherche que la science est bonne en raison de ses retombées technologiques et économiques, la conclusion qu'ils risquent d'en tirer est qu'il vaut mieux devenir ingénieur voire s'orienter vers des études de gestion et de marketing. C'est d'ailleurs, si j'en crois ce qui se dit, ce qu'ils font de plus en plus. (A quoi il faut ajouter que le développement technologique n'est peut-être plus, pour les générations lycéennes, une fin en soi et que ce qui se métonymisait électricité, supersonique et informatique a tendance à se métonymiser aujourd'hui nucléaire, OGM et clonage humain.)
Voir aussi: Comment mieux enseigner les mathématiques (je viens de corriger le lien vers le rapport cité).
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