mardi 27 février 2007

La France royale

MàJ (4.03): Je relis ce billet et je le trouve un peu con. Après tout la citation de Ségolène Royal n'est pas formellement en contradiction avec le propos de Marc Bloch et de plus pas faux. J'avais en tête la stratégie électorale présente du PS que je continue à trouver pas franche mais le biais n'était pas bon. Je ne supprime pas le billet parce que c'est pas bien de supprimer les billets mais je le biffe.

Sur le sujet, la série "la Fabrique de l'Histoire" de la semaine derniere était consacrée à l'imaginaire historique. L'émission de jeudi était consacrée, in absentia, à Ségolène Royal et à Nicolas Sarkozy et commentait le propos de SR cité plus bas (dommage que les extraits de NS aient été traités avec un pédantisme partisan assez désagréable).

[biffé]

En découvrant tardivement ce passage d'un discours parisien datant d'une vingtaine de jours:
La France n'est pas la synthèse de l'Ancien Régime et de la Révolution. (...) C'est la rupture opérée par la Révolution qui explique la France d'aujourd'hui
je me suis remémoré Marc Bloch:
Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l'histoire de France, ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération.
Ce genre de choses, le maître posthume de Ségolène Royal, les avait trop bien comprises. Quant à elle, on peut supposer qu'elle garde ces leçons pour le 2e tour!
Et
quid de celle-ci, du même (Bloch, pas Mitterrand):
Nous serons perdus, si nous nous replions sur nous-mêmes; sauvés, seulement, à condition de travailler durement de nos cerveaux, pour mieux savoir et imaginer plus vite.
(qui pourrait être du Bayrou, en plus vif)?

[/biffé]

vendredi 16 février 2007

Des chats pianistes


Sur Wondermark.

Démo live sur YouTube:

Génèse d'un mensonge en trois temps (70000 mariages forcés)

1er temps, un estimation démographique:
70 000 jeunes filles étangères de 15 à 18 ans

2e temps (connotation):
- formulation ambigue de cette estimation (le Groupe femmes pour l'Abolition des Mutilations Sexuelles, repris par le Haut Conseil pour l'Intégration dans un rapport officiel):
"plus de 70 000 adolescentes sont concernées par la question des mariages forcés"
repris par l'Humanité, la Mairie de Paris ("sont suceptibles d'être unies de force"), minorités.org, ...
- ou formulation tendancieuse:
"le mariage forcé menacerait 70 000 jeunes filles"
les chiffres du GAMS tels que repris par Amnesty.fr, le Ministère délégué à la cohésion sociale et à la parité (site officiel, donc), France 5, fr.wikipedia...

3e temps (dénotation), la désinformation:
"On estime à 70 000 les adolescentes victimes de mariages arrangés." (l'Humanité)
"chaque année 70 000 jeunes filles vivant en France seraient contraintes d'épouser un inconnu au bled" (Le Figaro)
"les jeunes filles, qui seraient 70 000 en France à subir cette pratique" (France diplomatie, site du Ministère des Affaires Etrangères)
"le Haut conseil à l’intégration estimant à plus de 70 000 le nombre des
adolescentes vivant en France, et victimes de ces pratiques"
(RFI)
"70 000 mariages forcés" (Philippe de Villiers)

Dans le 3e temps, il n'y a sans doute pas (ou pas beaucoup) de mensonge conscient: il suffit de lire un peu rapidement les formulations ambigües ou tendancieuses produites dans le 2e temps. Ce qu'on fait d'autant plus facilement qu'on le fait avec la conscience de se battre pour une cause juste (indiscutablement).

Via Alain Gresh qui reprend une étude de la revue Pénombre.

Analyses de chiffres analogues:
- "35 000 jeunes filles ou femmes seraient mutilées ou menacées d'excision en France" (le GAMS repris par le HCI dans le même rapport): cf. Pénombre
- "Neuf millions de personnes ont visité l'exposition [des caricatures sur la Shoah] qui a suivi à Téhéran." (Henri Tinq dans le Monde): en réalité 9 millions de hits sur le site de l'exposition, cf. Alain Gresh.

mercredi 14 février 2007

Milner, Bourdieu et Finkielkraut

Une mise à jour / complément sur le billet de l'autre jour.

Les justifications de Jean-Claude Milner à Libération:
« Les Héritiers m'ont toujours fait penser à une anecdote que Sartre rapporte dans la Question juive. Un jeune Français "de souche" qui vient de rater l'agrégation s'étonne qu'un dénommé Bloch soit, lui, arrivé premier. Je pense que tout le fil de la pensée de Bourdieu sur l'école et le collège vise à ce que plus jamais un Bloch ne puisse arriver premier à l'agrégation. En dévaluant les concours méritocratiques, il signifie à tous les enfants d'origine étrangère ­ les Juifs, les Italiens et les Espagnols hier, les Maghrébins aujourd'hui ­ que l'école n'est pas la voie d'accès à la communauté française. On en a la preuve par les effets des réformes de l'école inspirées de sa pensée et dont on voit les résultats aujourd'hui pour les jeunes maghrébins.»
(...) «Ceux que Bourdieu appelait les héritiers sont précisément ceux qui n'ont aucun héritage et pour qui l'école était la seule voie d'accès possible à l'intégration. Je ne prête à Bourdieu aucune intention xénophobe, mais je pense que les positions qu'il a défendues ont des effets xénophobes»,
poursuit Milner. Mais alors pourquoi avoir parlé d'antisémitisme ? «Comme d'autres, Bourdieu a entretenu l'illusion d'un rapport particulier des Juifs avec le savoir élitiste. Mais ce qui est antisémite, c'est sa critique de ce savoir comme une voie d'accès dans la société française. Je ne crois pas qu'il ait de très bonnes intentions à l'égard des Juifs», répond-il, sans donner d'exemple à l'appui de cet énoncé. Avant d'ajouter : «Et puis, peut-être qu'il est bon de sortir les gens de leur sommeil dogmatique.»
Où il apparaît que, sans se rétracter, Milner se rend compte qu'il a pour le moins parlé un peu vite. Après l'émission, je me suis demandé qu'est-ce qui avait pu autoriser J.C. Milner à lâcher une telle énormité. Mes suppositions recoupaient en partie les explications citées ici mais j'en faisais d'autres que je ne livrerai pas ici parce que dans le climat de chasses aux sorcières et d'anathèmes symétriques où se déroule ces temps-ci le débat intellectuel français (tu parles d'un "sommeil dogmatique"!), je désespère d'être compris sur ce terrain.

(Illustration de ce climat déplorable, l'accusation qui a été faite à Alain Finkielkraut (cf. le 3e commentaire à mon billet précédent) d'avoir pris à son compte la thèse de J.-C. Milner. A l'écoute, rien ne l'indiquait (JCM introduisait explicitement sa thèse par un constat de désaccord) et dans son émission de samedi dernier (si je ne me trompe pas) AF a mis les points sur les i. Alain Finkielkraut a sa part de responsabilité dans cette dégradation du débat mais le traitement qui lui est fait, et pas seulement sur le web (voir l'émission de Nicolas Demorand, sur France-Inter, le 7 février dernier), est tel qu'on en vient à se censurer par crainte de se trouver associé à cette curée indigne.)

MàJ (24.02 - @ Skildy): Réponse de la famille de Pierre Bourdieu à JC Milner (France-Culture)

samedi 10 février 2007

Charte de la laïcité, une lecture critique de Jean Baubérot

Jean Baubérot continue son salubre travail critique en commentant par un long billet le rapport du Haut Conseil à l'Intégration, "Charte de la laïcité dans les services publics", remis le 29 janvier au Premier ministre.

Extraits:
Après avoir présenté son objet et donné quelques caractéristiques de la loi de 1905, le rapport [du Haut Conseil à l'Intégration] écrit :
« Objet d’étonnement pour le monde, la loi de séparation a suscité des émules et fait naître des imitations. En Turquie, avec Mustapha Kemal qui l’a admirée lorsqu’il était stagiaire à l’école d’artillerie de Toulouse et a voulu la reproduire dans son pays, au Mexique avec la révolution républicaine, puis dans la jeune république espagnole de 1931. Le plus souvent, ailleurs, on a préféré le schéma de l’Eglise établi ou des religions reconnues et aidées comme en Angleterre ou en Allemagne. » (p. 14)
Au Mexique, la séparation de l’Eglise (catholique) et de l’Etat date… de la Constitution de 1857 et des Lois de réforme de 1859-1861 : l’Eglise catholique séparée de l’Etat devient juridiquement une institution de caractère privé, formée comme association volontaire.
On peut ajouter que si un pays a influencé le Mexique, il s’agit plutôt des Etats-Unis que de la France. En revanche, dés la République des Républicains des années 1880, des personnalités françaises se sont dites qu’il y avait quelque chose à apprendre du Mexique.

Pour la Turquie : il est exact qu’il y a eu une influence française, mais si on analyse les choses il existe une différence de fond entre la laïcité turque (nullement séparatiste) et la laïcité de 1905 (...). En conséquence l’influence française, est celle (qui a échouée) de la « laïcité intégrale », poursuivie sous le « petit père Combes », et non celle de la loi de 1905 (...). Mais le rapport de l’HCI met auparavant dans le même sac Briand et Combes, au déni de la réalité historique.

Il me semble particulièrement inquiétant que les 3 exemple choisis (car il existait d’autres pays à séparation): la Turquie, le Mexique, l’Espagne des années 1930 soient 3 cas où la laïcité a été autoritaire (voire militaire), liée à un anticléricalisme d’Etat, voire à des manifestations d’anti religion. Est-ce ce modèle là de laïcité que l’HCI a dans la tête ? Consciemment non, puisqu’il nous a expliqué que la laïcité était plus liberté que contrainte, mais le choix des exemples est quand même très troublant. (...) Ne pense-t-on pas sans en avoir conscience que, face aux personnes dites à intégrer, il faut une laïcité un tantinet autoritaire ?

En définitive, nous avons 2 visions opposées de la laïcité française. La vision de Briand, en 1905, où la France doit se mettre à l’écoute de pays étrangers, en prendre de la graine, non pour les « imiter », mais pour être capable de changer, de faire preuve de créativité et d’inventivité. La vision du HCI où tout part de la séparation française qui étonne le monde, suscite « des émules et fait naître des imitations ».
Il faut également savoir que quand l’Assemblée Nationale a republié, en 2005, le rapport de Briand, ELLE A TOUT SIMPLEMENT ENLEVE LE CHAPITRE OU BRIAND ABORDAIT LES EXEMPLES ETRANGERS.

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