jeudi 28 décembre 2006

Deborah Lipstadt: une autre stratégie face au négationnisme

L'université d'Emory prévoit de consacrer 2 millions de dollars à la traduction en arabe et en farsi du site Holocaust Denial in Trial, animé par le professeur Deborah Lipstadt. Ce site présente les preuves produites à l'occasion du procès que l'"historien" révisionniste britannique David Irving avait intenté à Deborah Lipstadt suite à la publication du livre Denying the Holocaust: The Growing Assault on Truth and Memory en 1994, où il se prétendait calomnié. Le procès a été perdu par David Irving en 2000.

En février dernier, David Irving a été condamné à 3 ans de prison ferme en Autriche, en vertu de la loi prohibant les activités nazies. A cette occasion Deborah Lipstadt a déclaré:
I am uncomfortable with imprisoning people for speech. Let him go and let him fade from everyone's radar screens.
(Dans la suite de l' interview, elle exprime son opposition de principe aux lois mémorielles:
Generally, I don't think Holocaust denial should be a crime," she says. "I am a free speech person, I am against censorship. I don't find these laws efficacious. I think they turn Holocaust denial into forbidden fruit, and make it more attractive to people who want to toy with the system or challenge the system.
We don't have laws against other kinds of spoken craziness. If you're a medical quack and you hurt someone, there's a law against that. But if you're a medical quack and you stand on the street corner preaching that you have an elixir that cures cancer and saves lives, no one throws you in jail.
Avec cependant une exception pour les pays qui furent le coeur du système nazi:
Germany and Austria are not so far past the Third Reich. So I can understand that the swastika symbol, Mein Kampf, Holocaust denial, being a neo-Nazi and all the rest have a certain potency there that they would not have in the United States. And Austria is a democracy. If the citizens of Austria were against these laws, they could change them. Austria and Germany are different, but I would not support those laws being instituted elsewhere.
source: BBC NEWS.)

La plus grosse partie de la peine de David Irving a été commuée en sursis en appel suite à quoi il a été expulsé d'Autriche la semaine dernière. Voir le commentaire de DL sur son blogue.

(via Marc Kravetz)

mercredi 27 décembre 2006

Les microsociétés des jeunes dans les quartiers d’habitat social / Joëlle Bordet

sur le blogue de Laurent Fabius:
Les adolescents confrontés à l’exclusion sociale n’ont pas pu faire l’épreuve du moratoire psychosocial, décrit par Erikson (1978) et n’ont pas pu vivre le processus d’individualisation leur permettant de se reconnaître comme sujet social. Ils ont créé des microsociétés de repli, « contre-dépendantes » des valeurs de la société dominante. Ils ont par la création de liens symbiotiques forts tentés de mettre à distance les images négatives produites par leurs échecs. Cette situation les a conduits à s’inscrire dans des modes de vie caractérisés à la fois par la chronicité et l’immédiateté. Il leur est très difficile de se projeter dans le futur et de développer des stratégies pour se réaliser personnellement. Progressivement, les leaders héroïques ont été supplantés par des leaders « patron » des trafics et de la dette au sein de la cité. Être dans « le double » signifie bénéficier d’un emploi légal et être le leader de l’économie souterraine.
(via Nissa 2008)

lundi 25 décembre 2006

Noël turkmène

Les grandes puissances, les Etats-Unis, l'Union européenne, doivent intervenir. La France en particulier, qui s'est suffisamment illustrée au Turkménistan avec le groupe Bouygues, ces dernières années. Pour nous, Bouygues est synonyme d'IG Farben [firme allemande qui produisait le zyklon B, utilisé dans les camps nazis d'extermination, ndlr]. Les palais de plusieurs centaines de milliers de dollars que Bouygues a construits pour le dictateur turkmène non seulement sont amoraux, mais n'auraient pas été possibles sans corruption. Quoi qu'il arrive au Turkménistan, vous pouvez être sûr que Bouygues en sera chassé. Beaucoup d'autres firmes européennes comme Siemens ou Daimler-Benz ont ignoré tous les principes moraux et démocratiques pour faire de l'argent grâce à cette dictature. Niazov aurait accumulé jusqu'à 50 milliards de dollars sur ses comptes personnels à la Deutsche Bank. Nous attendons que les banques occidentales rendent cet argent au peuple turkmène.

jeudi 21 décembre 2006

Saparmurat Nyazov Türkmenbashi


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L'ami des Bouygues (Martin sur la photo, prise en avril dernier à Ashgabat) est décédé cette nuit. Son nom de règne ne signifie pas, comme le dit Le Monde relayé à la radio ce matin, "père des Turkmènes" mais "chef (tête) des Turkmènes". La référence à Kemal Atatürk ("le père des Turcs"), si référence il y avait, ne serait pas si directe. Lors de mes séjours au Turkménistan, je me suis demandé si le slogan qu'on voyait affiché un peu partout: "Bir Halk, bir Watan, bir Sardar" ("Un peuple, un pays, un chef.") portait une référence consciente ou non.
("Bash" est le mot turc pour "tête" d'où "chef", "Sardar" est l'équivalent en persan: "sar" = "tête", "dar" = "porteur").

Sarkozy / Le Meur, revu par Tristao

L'entretien Sarkozy / Loïc Le Meur post-synchronisé par le petit-fils de PMF. Via Easywriter@politique.fluctuat.net: "C'est bien un peu naze mais ça me fait rire quand même."

Paris VIII


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... par Baptiste Coulmont.
"Un morceau qui sert de banc. Etat dégradé depuis plusieurs mois. Pas de réparation en novembre 2006. "
(voir l'ensemble des photos)

dimanche 17 décembre 2006

Pour une redéfinition de la social-démocratie?

Conseillé à l'instant par Yves Michaud à l'Esprit Public: Capitalisme ou démocratie ? L'alternative du 21ème siècle / Marc Fleurbaey (Grasset et Fasquelle):
Chômage, inégalités, précarité… Notre « modèle social » affiche de bien piètres performances. Faut-il alors en faire le dernier rempart contre les assauts du libéralisme qui, mondialisation aidant, préfigurent un monde plus compétitif et plus dur pour les perdants ? Ou faut-il, au contraire, rechercher une nouvelle articulation entre marché et Etat, entre concurrence et protection ? Observant les évolutions de long terme des sociétés modernes, l'auteur décèle un décalage frappant entre l'hégémonie croissante des valeurs démocratiques dans le discours ambiant, allant de pair avec les capacités d'autonomie accrue des citoyen(ne)s et la persistance de l'autoritarisme et des rapports inégaux dans la sphère économique. Ce décalage pourrait fournir la clef d'un scénario optimiste pour le futur. En effet, la logique démocratique a vocation à s'imposer dans tous les lieux où se prennent des décisions qui affectent l'économie et en particulier l'entreprise , qui pourrait fonctionner de façon à la fois plus équitable et plus efficace en organisant une meilleure prise en compte des intérêts de chacun. En allant au bout du raisonnement, on voit se profiler une nouvelle « sociale-démocratie », qui mériterait mieux son nom que l'ancienne. Alors que cette dernière instituait, sous l'égide d'organismes centraux, une protection sociale uniforme et, d'un certain point de vue, paternaliste, sans s'attaquer aux prérogatives des élites dirigeantes, la nouvelle social-démocratie apporterait plus de sécurité, d'autonomie et d'égalité en donnant à chacun les moyens de participer aux décisions qui le concerne. Le marché garderait sa place centrale dans les rouages économiques, en raison des vertus démocratiques de la décentralisaton. Néanmoins, la démocratisation de l'entreprise représenterait un réel progrès économique et social, et induirait un dépassement des rapports sociaux inégaux qui caractérisent le capitalisme. Cet après-capitalisme « démocratique » ressemblerait bien peu aux divers scénarios étatistes qui ont longtemps alimenté les espoirs de progrès social, mais une telle perspective semble mieux à même de répondre aux défis de notre époque.
(Me rappelle 1981, après mai je me disais: "Ce qu'il faut partager, c'est le pouvoir, pas l'argent." Et puis j'ai vite déchanté, sans véritable surprise d'ailleurs, très vite l'"autogestion" et derrière ce mot toute stratégie de désenclavement du pouvoir a été disqualifiée, "ringardisée". Curieusement ou caractéristiquement, l'évolution s'est faite en parallèle au sein de la gauche de gouvernement, en France, et au sein de la culture du management. En écoutant Yves Michaud à l'instant, j'ai eu le sentiment d'un énorme gâchis, d'une énorme perte de temps: 25 ans, une génération.)

vendredi 8 décembre 2006

Europe is Not a "Christian Club" - Thomas Kleine-Brockhoff at PostGlobal

Europe is Not a "Christian Club" - Thomas Kleine-Brockhoff at PostGlobal:
"The Pope did something courageous. Two camps oppose EU membership for Turkey, the culturalists and the institutionalists. The culturalists believe that Europe is an association of free peoples bound together by tradition and identity. Europe has borders to protect this and Christendom helps define those borders. In other words: Muslims don't belong in Europe. To the culturalists, the Siege of Vienna never ended. 1683 equals 2006. And EU accession is the newest incarnation of the long-standing Turkish desire to conquer Europe. The institutionalists believe Turkey can't join because the EU isn't ready for it."

Voyages@Flickr > Istanbul en février dernier

Mis en Flickr les photos de mon avant-dernier passage à Istanbul: le nord de Stamboul, les murs de Constantinople, Mihrimah, pas mal d'églises byzantines: Kariye, Pammakaristos et retour à Sainte Sophie où j'ai attrapé la crève (cf. les notes dans le blogue "Voyages"), la mosquée du sultan Selim et le quartier du Fener, St Stéphane des Bulgares et un petit tour sur la Corne d'Or.


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jeudi 7 décembre 2006

Athétürk > 2006, la chevauchée épique et passée sous silence des caricaturistes turcs

Aurel dans Athétürk:
Quand finalement les caricatures xénophobes du journal danois furent révélées à la presse mondiale, Emre Ulas, oeuvrant au quotidien national Radikal, n'a pas attendu les réflexions d'éditorialistes européens pour faire son travail de caricaturiste...









Traduction :
-tu peux exploiter ma religion, tout le monde le fait...
-tu peux en faire un moyen d'exploitation, et même des pays le font...
-tu peux tuer, faire des massacres en son nom, et nous faisons ça...
-mais tu ne peux pas la caricaturer!!!

mercredi 22 novembre 2006

dimanche 19 novembre 2006

Habermas, la démocratie délibérative et les problèmes de l'interculturalisme au Québec

Ce matin, en suivant le développement de l'expérience Blogospherus (voir mon billet sur bibliothecaire), je suis aiguillé sur cet article du Devoir: "Habermas et la classe de Madame Lise" (extraits ici) qui confronte la théorie habermasienne aux réalités du multiculturalisme québecois, linguistique et scolaire en particulier.
Un espace public peut surgir entre des gens qui ne proviennent pas d'une même «culture», mais peut-il également surgir entre des gens qui vivent dans des sphères médiatiques séparées?
La correspondance avec les débats français saute aux yeux et il serait tentant d'y voir l'attestation de l'exportation du "modèle français d'intégration" en terres multiculturalistes, déjà constatée aux Pays-Bas ou dans l'Angleterre de Gordon Brown. Ce serait, il me semble, aller vite: nos débats (français), et, je suppose, une comparaison entre la situation française avec la québécoise, attesteraient assez que le modèle français n'est pas plus qu'un multiculturalisme angélique la solution. Et ce serait symétriquement tomber dans le travers dénoncé à la fin de l'article.
Le «dialogue» devient alors une sauce magique créant temporairement l'illusion du lien social. Ironiquement, les théories obsédées de délibération se transforment alors en arme rhétorique permettant... d'étouffer toute discussion.
Ce qui m'a intéressé, c'est plutôt en quoi, par-delà l'opposition entre multiculturalisme et intégration républicaine, nos sociétés occidentales se trouvent confrontées aux mêmes questions, avant tout celle posée par Habermas lui-même de la définition de l'espace public à l'heure de la globalisation de la communication.
L'image des antennes paraboliques est parlante, et montre que la réduction du problème à l'existence d'Internet manquerait le fond. Au-delà de la polémique que déclenchent des propos comme ceux de Jacques Godbout, la question se pose: à supposer que les antennes paraboliques, qui relieraient les immigrants à leurs communautés d'origine aux dépends de leur communauté d'accueil et qui ralentiraient voire empêcheraient l'assimilation linguisitique, soient bien une partie du problème, quelle solution? Interdire les antennes paraboliques? Endiguer la libre circulation de l'information?
Cette libre circulation déstabilise la constitution des espaces publics nationaux et il est compréhensible que les acteurs de ces espaces publics s'en inquiètent mais il ne faudrait pas appréhender ces phénomènes (de communication hors espaces publics constitués) seulement selon cette dimension négative. Ils constituent des espaces d'opinion, d'échange et de délibération qui s'ils ne sont pas à proprement parler des "espaces publics" (faute qu'à leurs territoires correspondent des territoires d'élaboration de décision politique légitime) ne sont pas non plus à proprement parler des espaces privés. On a noté comment Al-Jazeera est en train de constituer un opinion publique arabe plus structurée, plus potentiellement citoyenne que la problématique "rue arabe", nourrie de rumeurs et de médias sous contrôle reçus avec méfiance et ironie. Mais c'est une opinion publique sans espace public citoyen parce que transnationale et que jusqu'à présent l'exercice de la citoyenneté suppose un territoire national.
Les nouveaux vecteurs de communication tendent au village global même lorsqu'ils se pensent en référence à un espace public national (l'expérience Blogospherus a d'abord été pensée pour la blogosphère francophone or dès le 11e relais le virus était repris par un blogue espagnol, et à 4 sauts de là par un premier blogue anglophone - ce qui montre que même les bassins linguistiques ne sont pas étanches et que leurs modes de communication ne sont pas forcément sous le mode d'un "globish" impérial couvrant une collection inorganisée d'idiomes vernaculaires isolés) mais ce village global reste un village sans place publique, sans agora.


Antennes paraboliques à Ashgabat, au Turkménistan.

PS. Je suis arrivé à l'article du Devoir via un billet de Patrice Létourneau, prof. de philo au Cegep de Trois-Rivières. Une courte note passionnante qui suggère que la démocratie délibérative selon Habermas n'est, en raison des prérequis qu'elle exige, pas si différente que cela de ce qu'il appelle l'épistémocratie platonicienne. Si l'on prolongeait cette stimulante réflexion, on découvrirait sans doute que derrière toute organisation démocratique il y a quelque chose comme une épistémocratie, un système de sélection et de hiérarchisation des droits à la délibération. En fonctionnement normal, ce système paraît naturel. Des circonstances comme le débat sur le référendum européen de l'année dernière montrent qu'il est aujourd'hui, en France au moins, en crise, voire dépassé. Un des intérêts de l'observation de la blogosphère sous l'angle de l'autorité et de l'influence et d'expérience comme celle de Blogospherus, s'il tient ses promesses, c'est de pouvoir examiner comment se met en place un tel système de sélection et de hiérarchisation de l'accès à la délibération dans des conditions qui restent trop neuves pour sembler naturelles.

dimanche 12 novembre 2006

Morale et moralisme, contrition et responsabilité

Jean Daniel, tout à l'heure chez Meddeb:
"[Albert Camus] n'a pas du tout vécu la décolonisation comme la pénitence du colonisateur. Il ne voulait ni pénitence du colonisateur, ni vengeance du colonisé et il séparait, il prétendait séparer de cette manière la morale, c'est-à-dire réparation donnée au peuple musulman, du moralisme, qui préparait aussi des lendemains qui déchantent avec les convulsions possibles d'une indépendance."
Toute la conversation, bien que décousue, est passionnante et bien loin des dualismes assénés ces jours-ci lorsqu'il s'agit de l'Islam.

A la fin de la conversation, par un biais un peu curieux, Jean Daniel dit les rapports entre les arabes et l'Occident d'une manière particulièrement nette:
"Averroès est toujours la référence que l'on vous sert [...] moi je trouve que celui qu'on nous oppose, c'est celui qui nous nourrit aujourd'hui, qu'en somme ceux qui emploient cet argument pour se justifier ne savent pas qu'ils ne s'opposent pas à nous, ils ont à rechercher leur passé. Là aussi il y a un joli mot de Berque qui dit "au fond, ce que les Arabes recherchent dans l'avenir, c'est qu'on leur restitue leur passé." C'est assez beau, il s'agit de savoir quel passé. Alors le passé d'Averroès, c'est l'Occident. Pourquoi vous opposez-vous à un Occident que vous avez inventé? Dit comme ça, il n'y a plus de choc de civilisations, nous vous devons ce que vous nous avez donné, nous vous devons, en somme, ce que vous avez fait de nous, ce que nous sommes."
La formulation est plus brutale encore que celle que je citais d'après Jean Baubérot, et sans doute un peu excessive. Ce qui est curieux, c'est le cadre dans lequel Jean Daniel inscrit cette reconnaissance de filiation. Il la retourne à ses interlocuteurs arabes pour leur dénier le droit de faire d'Averroès une "justification". On devine que ces interlocuteurs appartiennent à une génération et à un milieu intellectuel (laïque ou occidentalisé et sans doute pas islamique: la pensée musulmane a, de son point de vue, "réfuté" Averroès).

Juste avant Jean Daniel (c'est là le biais un peu curieux) reproche à ses interlocuteurs arabes de renvoyer "pour se défendre" à leur passé glorieux ("ils ne se demandent pas si on doit juger un peuple seulement sur un héritage ou bien sur la façon dont il le mérite dans le présent."). Et il compare les Arabes aux Grecs, arguant qu'il ne viendrait pas à l'idée d'excuser tel ou tel méfait des Grecs contemporains au nom de Platon ou d'Aristote. L'argument est spécieux pour au moins deux raisons: d'abord parce que le legs grec n'est pas méconnu ou contesté, tout au contraire, l'occidentalité et l'hellènité ont tendance à se confondre jusque chez le Saint Père et si la place de la pensée arabe dans notre généalogie était clairement reconnue, les intellectuels arabes n'auraient peut-être pas à la revendiquer, ensuite parce que les Grecs contemporains ont bien tiré avantage de leur passé glorieux: en particulier le soutien de l'Europe romantique à l'indépendance grecque devait bien quelque chose à cette reconnaissance.

mercredi 1 novembre 2006

retour sur le référendum européen de 2005 et les médias

Le site relatio rend compte de la publication sur Notre Europe d'un rapport de Jacques Gerstlé, professeur au département de science politique de la Sorbonne, sur "L'impact des médias télévisés sur la campagne référendaire française de 2005".

Conclusion:
La question qui se pose donc, maintenant, est de comprendre l’échec de cette insistance sur un Oui archi-dominant dans l’information au cours de la campagne référendaire. En d’autres termes, comment expliquer l’échec de persuasion de la campagne en faveur du OUI.
Elle apparaît bien comme résultat de la convergence de deux facteurs, l’un situé en amont de la réception des messages de campagnes et qui est lié à la diversité des sources de campagne, l’autre étant situé en aval de la réception par l’individu et qui témoigne de sa résistance à la persuasion du OUI. En amont, se trouve la distinction entre communication contrôlée par l’acteur politique et information quotidienne contrôlée par les médias. A ce titre, on ne peut que pointer l’antagonisme entre les représentations dominantes de nature délégitimatrice à l’égard de la construction européenne donnée par l’information ordinaire et le message nécessairement euphorisant de la campagne pour le OUI. En amont encore, on pointe l’importance du cadrage national, qui est discriminant et relègue la communauté européenne
derrière les exigences de la communauté nationale. En amont enfin, il faut souligner combien l’information européenne ordinaire donne une représentation fragmentée de l’espace public européen entièrement soumis aux exigences des agendas politiques nationaux.
En aval de la réception, il faut retenir les inégalités de compétence politique comme étant de nature à filtrer le message européen. De même la dispersion des prédispositions des attitudes politiques ne peut-elle que gêner la diffusion du OUI, notamment quand l’environnement d’information est très « bruyant » et hétérogène et donc de nature à créer un espace polarisé pour parler comme Zaller. Enfin, le cumul des facteurs de l’amont et des facteurs de l’aval rend la victoire du NON plus intelligible en remettant en cause une conception linéaire de la persuasion comme dépendante de l’unique quantité d’information et de communication transmise (Gerstlé, 2006).
Conclusion résumée en termes moins techniques sur relatio:
Se concentrant sur l’information télévisée, il montre notamment que l’influence des médias doit être appréhendée de façon générale, car elle se fait souvent sentir de façon indirecte. L’insistance sur certains objets, tout comme les représentations des acteurs, peuvent contribuer à influencer la perception qu’ont certains électeurs des enjeux du débat. Ainsi, dans le cas du référendum, l’importance accordée dans l’information aux questions sociales, notamment autour de la fameuse « directive Bolkestein » et les images délégitimatrices de la construction européenne véhiculées par les informations « ordinaires » ont alimenté les craintes d’une partie de l’électorat.
Cette étude très fouillée a le grand mérite de nous mettre en garde contre les lectures simplistes selon laquelle la quantité d’information soumise est le critère décisif pour apprécier l’impact des médias dans un domaine.
On retrouve dans l'étude le graphique que j'avais utilisé dans un billet où je m'interrogeais sur la dynamique du non, complété par les chiffres de l'abstention qui semblent montrer que la montée du non a été en grande partie une mobilisation des abstentionnistes.

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mardi 31 octobre 2006

Liberté irrépressible?

Il y a quelques jours je déposais un billet évoquant les possibilités qu'offraient les nouveaux outils technologiques (spécialement les téléphones "couteaux suisses" alliés au web) pour la défense des libertés. L'optimisme ne saurait être cependant que modéré: les dirigeants prennent conscience de la puissance de ces technologies et réagissent de manières diverses qui vont des crispations françaises aux brutalités chinoises ou iraniennes en passant par les réquisitions américaines sur les données (voir l'article de Samizdat.net pour un catalogue).

A l'occasion du Forum sur la Gouvernance d'Internet (IGF) qui se tient à Athènes toute cette semaine, Amnesty International a publié une déclaration et lancé un appel aux blogueurs pour leur demander de défendre la liberté d'expression sur Internet et en faveur du blogueur iranien Kianoosh Sanjari, détenu au secret depuis le début du mois.

La campagne irrépressible.info propose aux blogueurs, outre la signature de la déclaration, l'inclusion sur leur site, de diffuser sur leur site "des extraits de documents qui ont été censurés. Ce que je fais ici 'en ahut à droite). Un clic sur la fenêtre mène au site censuré.

(via samizdat.net)

Défendre les droits humains dans le cyberespace - Amnesty International
La période de grâce initiale, durant laquelle les internautes jouissaient d’une liberté totale, est terminée maintenant que les autorités ont rattrapé leur retard technologique.
Déclaration d'Amnesty International à l'ouverture du Forum sur la gouvernance d'Internet, Athènes 2006 - Amnesty International
Toutefois, si Internet a apporté la liberté d'information à des millions d'utilisateurs, il a également signifié l'emprisonnement pour d'autres, lorsque les gouvernements cherchent à restreindre les libertés. Des sites web et des blogs ont été fermés ; des pare-feux sont mis en place pour bloquer l'accès à l'information. Des gouvernements ont limité ou bridé les moteurs de recherche afin que les personnes vivant sur leur territoire ne puissent plus accéder à certaines informations.
Accueil | irrepressible.info Campagne d’Amnesty International
Des forums de discussion sont surveillés. Des blogs sont supprimés. Des sites Internet sont bloqués. Des moteurs de recherche sont bridés. Des personnes sont emprisonnées uniquement parce qu’elles ont mis en ligne et partagé des informations.
samizdat.net
L’appel a été lancé alors que se prépare le Forum sur la gouvernance d’Internet (IGF). Ce forum aura lieu à Athènes, du 30 octobre au 2 novembre, et portera sur l’avenir d’Internet. Amnesty International a publié une déclaration destinée à l’IGF le 27 octobre. Pendant le Forum, une délégation de l’organisation veillera à ce que les droits humains ne soient pas laissés de côté et restent au cœur des débats.

La déclaration d’Amnesty International coïncide également avec un appel urgent pour la défense d’un blogueur iranien arrêté ce même mois. Kianoosh Sanjari a été interpellé au début du mois d’octobre alors qu’il rassemblait des informations sur des affrontements entre les forces de sécurité et des sympathisants de l’ayatollah chiite Boroujerdi.

Yahoo!, par le biais de son partenaire chinois, Alibaba, a transmis aux autorités chinoises des informations confidentielles et personnelles concernant ses utilisateurs. Ces informations ont servi à condamner et à emprisonner des journalistes.

Microsoft a fermé le blog de Zhao Jing, un chercheur du New York Times basé à Pékin, à la demande du gouvernement chinois.

Pendant ce temps, Google lançait, pour le marché chinois, une version censurée de son moteur de recherche.

Par l’intermédiaire de sa messagerie Yahoo, le journaliste chinois Shi Tao avait envoyé un courrier électronique à un site web situé aux États-Unis. Il y résumait une directive interne du gouvernement chinois destinée aux journalistes et concernant le traitement médiatique de l’anniversaire des événements de la place Tiananmen. Shi Tao a été condamné à dix ans d’emprisonnement pour avoir «divulgué des secrets d’État à l’étranger».

En Tunisie, Mohammed Abbou, avocat et défenseur des droits humains, purge une peine de trois ans et demi d’emprisonnement, essentiellement pour avoir publié sur Internet des articles critiquant les autorités tunisiennes.

Le dissident vietnamien Truong Quoc Huy a été arrêté pour la première fois en octobre 2005 avec deux autres jeunes gens. Il avait participé à une discussion sur un site web consacré à la démocratie et aux droits humains. Il a été détenu au secret pendant neuf mois, puis relâché. Toutefois, le 18 août 2006, il a de nouveau été arrêté alors qu’il était connecté à une salle de discussion en ligne, dans un cybercafé de Ho Chi Minh-Ville. L’endroit où il se trouve reste inconnu et aucune accusation le concernant n’a été rendue publique.

lundi 30 octobre 2006

De la fonction royale, des candidats socialistes et de Ségolène Royal en particulier

Il y a un an ou un peu plus, nous passions en revue, je crois que c'était à l'occasion d'un souper amical, les candidats socialistes possibles à l'élection présidentielle. Et l'un de nous a fait le raisonnement suivant (que n'excusait que le vin déjà bu) : le président de la république française est à la place du roi (c'est ainsi qu'on le perçoit enfant puis en devenant adulte, se voulant plus citoyen que sujet, on évite de le penser mais il en reste quelque chose, au profond). A ce titre il se doit d'être mâle et catholique (voir les notes "Les protestants français et le pouvoir" et "Mendès-France et Mitterrand"). Or aucun des candidats socialistes ne remplit les trois critères: 2 juifs, un protestant et une femme...

A l'époque Ségolène Royal ne caracolait pas encore sur la courbe des sondages mais il prétendait que c'était elle qui avait le plus de chance de briser la règle occulte. L'une des raisons qu'il en donnait était que les motifs que pourrait avoir l'électeur pour écarter un candidat protestant ou juif, ledit électeur (au moins s'il est disposé à voter socialiste) ne les admettrait pas consciemment, c'est-à-dire qu'il n'admettrait pas que sa raison de ne pas voter Strauss-Kahn ou Jospin soit leur origine ethnico-religieuse, et que donc les raisons qu'il se donnerait seraient d'une autre nature, légitime. A l'inverse, l'électeur mâle aurait moins de difficulté, voire une certaine complaisance, à reconnaître son machisme et dans cette mesure serait capable de le surmonter au moment de déposer son vote.

Christian Fauré donne ces jours-ci sur son blogue un exemple appliqué de ce raisonnement:
Si un jour je devais avoir le choix de placer le nom de Ségolène Royal sur mon bulletin de vote et, qu’une fois dans l’isoloir, je ne le fasse pas : une petite voix me dira-t-elle: “si je n’avais pas été une femme, n’aurais-tu pas voté pour moi ?”

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mercredi 25 octobre 2006

Little Brothers (Big Brother 2.0 ?)

Le site Global Voices met en ligne un sous-blogue consacré à la diffusion de vidéos témoignant de violations des droits de l'homme. On peut y voir par exemple cette vidéo de violences policières à Ruian, en Chine:



(via Boing Boing)

A première vue un grand nombre de ces vidéos ont été prises par des téléphones portables. Et si la diffusion de la technologie, qu'on présente souvent comme l'arme du pouvoir pour surveiller les gens, pouvait aussi se retourner et servir aux gens à surveiller les pouvoirs?

A propos de la transformation des téléphones en "couteaux suisses" numériques, on peut jeter un coup d'oeil à l'Observatoire sociétal du Téléphone Mobile (signalé par Jean-Michel Salaün) où l'on apprendra entre autres que la coupure générationnelle s'agissant des téléphones portables se situe à 40 ans, qu'au-delà de cette coupure, on trouve plus de réticence et la volonté décidée de ne se servir du téléphone que pour téléphoner, alors qu'en deça, le téléphone est devenu un objet à faire toutes sortes de choses, notamment prendre des photos ou des vidéos, on apprendra aussi que l'usage du portable n'est pas différencié selon les catégories sociales et enfin que quelque soit le type d'usage, pour les moins de 40 comme pour les plus de 40 ans, il faut généralement 3, 4 ans pour maîtriser l'outil (notamment intégrer l'étiquette).

dimanche 22 octobre 2006

Du judéo-christianisme à Maison d'Etudes

Ce matin Victor Malka recevait Javier Teixidor, à propos du judéo-christianisme. Le dialogue est assez crispé et Victor Malka malmène quelque peu son interlocuteur qui semble interloqué C'est qu'il n'est peut-être pas au fait des débats ou prises de position français qui se laissent deviner derrière les interventions de VM. J'ai quelques idées sur les raisons de cette crispation mais n'ai pas le temps aujourd'hui de les développer. On les devinera peut-être à parcourir les quelques liens que je mets ci-dessous:

- Michel Warschawski (sur le site de Tariq Ramadan):
la « civilisation judéo-chrétienne » est un concept qui me fait rire jaune : il s’est construit sur le sang de millions de martyrs juifs qui au cours des deux derniers millénaires, a abreuvé le sol de l’Europe chrétienne de Saint Louis au pogrom de Kichinev, d’Isabelle la Catholique à Treblinka. (autres extraits)
- mon commentaire sur un billet de Reprises:
Ton billet ne démontre-t-il pas ce qui est justement problématique dans cette définition de l'Occident comme judéo-christianisme. Quid de l'héritage grec, cher au Saint Père? Quid de l'héritage musulman, sous-estimé par le même?
Cette expression m'a toujours gêné (à propos, d'où vient-elle?), je lui préfèrerais "judéo-hellénisme". Ca ressemble à une définition du christianisme (Benoît XVI toujours)? Ce pourrait être aussi bien une définition de l'islam (cf. Youssef Sedik, entre autres) ou de l'agnosticisme/athéisme post-chrétien.
(Dans le commentaire suivant le mien, Françoise Lalou rappelle la définition érudite du judéo-christianisme, à savoir, le mouvement chrétien primitif qui se poursuivait à l'intérieur du judaïsme, lequel constitue le sujet principal du livre de Teixidor. La discussion cependant porte sur l'usage du terme récent "civilisation judéo-chrétienne", qui daterait, selon Warschawski, des lendemains du génocide nazi. Cette notion a été théorisée par Jacques Ellul qui en fait l'opérateur d'une séparation essentielle des monothéismes occidentaux d'avec l'Islam. Cf. infra.)

- Trois billets sur Cercamon à propos d'un livre de Jacques Ellul et des thèses d'Alain Besançon.

Je recherche par ailleurs trace sur le web des déclarations de Tariq Ramadan sur judaïsme et christianisme ainsi que du débat entre Yehoshoua Leibowitz et Marcel Dubois, auxquels Victor Malka faisait allusion.

Enfin j'ai mis sur Cercamon la lettre persane citée par VM au cours de l'émission.

dimanche 15 octobre 2006

Butinage: loi sur le génocide arménien

Un Turc d’origine arménienne: « J’en ai assez du mot génocide » ACTURCA
«Cette proposition de loi n’est pas une aide mais une claque.» Raffi A. Hermonn, journaliste franco-turc d’origine arménienne qui milite depuis des années pour «briser le tabou arménien chez les Turcs et le tabou turc chez les Arméniens», n’a pas de mots assez durs pour critiquer la proposition de loi socialiste présentée ce jeudi à l’Assemblée nationale française et qui vise à pénaliser la négation du génocide arménien. «La question arménienne est devenue un instrument pour tirer les oreilles de la Turquie, s’insurge-t-il. Or nous ne sommes pas un instrument! Si les Français veulent résoudre ce problème, ils doivent encourager l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.»

«Aujourd’hui, les quotidiens, les radios, les chaînes de télévisions parlent, souligne Raffi Hermonn. Il existe en Turquie des universitaires, des intellectuels et des démocrates qui osent. Ce sont les plus patriotes des citoyens de ce pays. Bien sûr, l’hirondelle ne fait pas le printemps, mais elle l’annonce!»

La diaspora s’endort et se réveille avec le 24 avril (date de la commémoration du génocide) alors que l’Arménie a besoin de beurre et d’électricité!
Génocide arménien : amendement Devedjian
« Ces dispositions ne s’appliquent pas aux recherches scolaires, universitaires ou scientifiques. »
Ne tuons pas le dialogue avec laTurquie
Des procureurs obtus, des avocats ultranationalistes poursuivent des journalistes, des écrivains, des universitaires, accusés d'insulter la «turquité», aux termes de l'article 301 du code pénal, parce que leurs oeuvres et leurs propos fouillent sans ménagement dans ce passé-là.

Toute une frange de la société turque et l'Union européenne sont vent debout contre l'interprétation abusive et liberticide qui est faite de l'article 301 et exigent qu'il soit amendé.

Dans ce contexte, le projet de loi soumis à l'examen des députés français, s'il était adopté, aurait un effet désastreux. Alors que le dialogue doit absolument s'approfondir, au sein de la Turquie même, entre la Turquie et l'Arménie, entre la Turquie et la communauté arménienne dans son ensemble, pour guérir enfin les cicatrices de l'histoire et conduire à la réconciliation, cette loi ne ferait qu'opposer une vérité officielle à une autre.

Il n'est nul besoin de s'étendre sur la très vive déception que provoque cette initiative auprès de tous les Turcs qui voient dans l'Union européenne un levier puissant en faveur des réformes, des libertés, et notamment de la liberté d'expression. Du reste, des personnalités comme le patriarche arménien Mesrob II ou Hrant Dink ne s'y sont pas trompées qui ont toutes pris leurs distances par rapport à cette loi.
BBC NEWS | Europe | France warned over 'genocide' law
The bill could be supported by French politicians looking to curry favour with France's large Armenian community, says the BBC's Oana Lungescu in Brussels.

But Mr Sarkozy - who has opposed the idea of Turkey's accession to the EU - has also been accused of trying to stir up anti-Turkish sentiment just as the EU is considering Ankara's progress on harmonisation.
Le Conseil de l’Europe critique la position de J. Chirac « ACTURCA
Le président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), René van der Linden, a critiqué lundi le président français Jacques Chirac qui a jugé samedi à Erevan que la Turquie devait reconnaître le génocide arménien avant d’adhérer à l’Union européenne.

“On ne peut changer les règles du jeu au milieu du jeu” a-t-il déclaré à la presse, en rappelant les conditions d’adhésion fixées à Ankara par l’Union européenne.

Une visite au Vignal

Grâce au blogue de Claude Chatron-Collet, je découvre l'album photo d'une visite faite au Vignal, sous les auspices de la Société Centrale d'Agriculture, d'Horticulture et d'Acclimatation de Nice et des Alpes-Maritimes, il y a exactement trois ans. Presque tous les jours je longe ces murs et ces haies de cyprès en imaginant vaguement ce qu'ils cachent... Les photographies n'épuisent pas l'imagination.

Leçons nordiques

Décidément, pour le parti socialiste français au moins, le vent européen souffle du nord. Si les caricatures danoises ont donné le la d'une mobilisation qui trouve depuis régulièrement occasion à s'entretenir, les derniers Nobels attribués semblent opposer une réfutation douce aux errements de la gauche française. Pas la peine d'insister sur le commentaire que fait l'attribution du Nobel de littérature à Orhan Pamuk au vote français du matin. Le prix Nobel de la paix pourrait également être l'occasion de réfléchir à des moyens de remédier aux vices du libéralisme réel qui ne soient pas automatiquement étatistes et anti-libéraux.

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vendredi 13 octobre 2006

Ouf, je suis de gauche...

... du moins selon ILYS (site réactionnaire chic) qui m'a mis dans son blogroll sous la catégorie "Gauchiste". Mon surmoi est rassuré. Que me vaut cette promotion? Je me suis d'abord dit qu'aujourd'hui le consensus devient tel que de ne pas rallier le front national de défense de l'identité occidentale (nationale / républicaine / européenne / chrétienne / post-chrétienne / laïque - l'épithète est laissée au choix, de toutes façons ça veut dire "nous") contre la menace islamique suffit pour être classé à l'extrême-gauche (style Alain Badiou). Mais lorsque j'examine en quelle compagnie je me trouve dans ce segment du blog-roll, je ne comprends plus trop.

Si les définitions classantes de Pierre Bourdieu n'ont pas suffi à dissiper vos propres doutes concernant votre positionnement politique, deux tests devraient vous aider à y voir plus clair:
- un test français (ça marche),
- un test "québécois" (pas encore passé).
(On peut cependant leur préférer le test chien/chat!)

jeudi 12 octobre 2006

L'histoire est une chose trop sérieuse pour qu'on la laisse aux historiens

Aujourd'hui la proposition de loi socialiste pénalisant la négation du génocide arménien est mise au vote à l'Assemblée Nationale.

Pour ceux qui ne comprendraient pas la nécessité pour la France de se poser en conscience morale universelle, qui verraient dans un vote de cette loi un effet conjugué de l'indignation hypocrite, de l'électoralisme clientéliste et de la lâcheté politique (puisqu'il semble que les nombreux députés, à gauche comme à droite, à être opposés à cette loi - il n'y aurait que le parti communiste à rester unanime dans le soutien - vont pour la plupart s'en laver les mains), pour ceux qui seraient sensibles aux appels des historiens et des Arméniens de Turquie pour qui cette loi aura l'effet exactement contraire à son objectif déclaré, à savoir qu'elle fera reculer la cause de la reconnaissance du génocide en Turquie, on rappellera la pétition "Liberté pour l'Histoire" initée en décembre dernier par 19 historiens dont Pierre Nora, Pierre Vidal-Naquet et Jean-Pierre Vernant et qui avait reçu au 7 mai dernier 693 signatures. Pour ceux-là aujourd'hui pourrait être un bon jour pour ajouter leur signature en envoyant un courriel à libertepourlhistoire@wanadoo.fr.

mardi 10 octobre 2006

Christophe Colomb (repêchage de vieilles notes)

Le dernier billet de Baptiste, "émerveillement", dans l'éblouissement suscité par l'extrait si bien choisi, m'a fait souvenir que j'avais quelques notes sur le voyage de Colomb dans mes vieux carnets et hier soir, avant de m'endormir, j'ai fouillé là-dedans pour voir ce qu'il en était. La récolte s'est trouvée plus abondante que je n'anticipais. Comme avec les champignons, tous les exemplaires ne sont pas d'égale qualité mais surtout je me demande si ces notes, écrites pour moi-mêmes, ne sont pas trop allusives et de ce fait incompréhensibles souvent. Me disant qu'il pouvait malgré tout s'y trouver quelques morceaux comestibles, je les ai tout de même mises en ligne sur Cercamon.

jeudi 5 octobre 2006

Gauche et droite selon Pierre Bourdieu (suite)

Le commentaire fait par Christian au billet précédent m'a mis la puce à l'oreille. Hier matin, lorsqu'après la "censure" des clips sur DailyMotion j'ai mis en ligne la version trouvée sur YouTube, je ne l'ai pas écoutée, je me suis juste rendu compte qu'elle était plus longue. Ce soir je l'écoute et je me rends compte que le clip de DailyMotion est plus qu'un extrait, c'est un montage. Toute la première partie de l'entretien, où il est question de mai 68 puis de mouvements étudiants en RDA, a été supprimée, ainsi que les échanges de la fin, moins significatifs. La suppression de passages au milieu de la partie extraite (j'ai pu vérifier sur l'enregistrement audio que j'ai fait du clip DailyMotion) montre qu'il y a eu dans le montage une véritable déformation des propos de Pierre Bourdieu.

Je rétablis le passage supprimé [MP3] qui suit immédiatement l'extrait audio fait hier:


On comprend tout de suite la manipulation: les "faux" gens de gauche dont parle Bourdieu dans l'essentiel de cette interview, sont des leaders de la gauche radicale, spécialement communiste, de la fin des années 60 alors que la définition de l'être de droite par l'attachement à l'"ordre tel qu'il est" et l'exemple de Ségolène Royal pouvait, une fois le document monté, faire croire que la cible de Bourdieu ici est la "droite de la gauche". Le retrait des clips "édités" de Daily Motion s'explique du coup très bien.

Restitué dans son intégralité, le propos de Pierre Bourdieu s'avère beaucoup plus complexe et moins "monnaiyable" politiquement que ce que sa version courte pouvait laisser croire. Et du coup beaucoup plus intéressant.

Voir sur Zalea TV, où on peut décharger la version complète de l'interview, une mise au point sur cette affaire (et une critique du billet de Daniel Schneidermann sur le clip). Je précise qu'hier matin, bien que non journaliste, j'avais essayé de vérifier sur Zalea.org la source du clip mais que, peut-être à cause du succès dudit, le site était inaccessible de chez moi. A ma connaissance et à ce jour ni Marianne 2007 (où la version longue YouTube a été mise en ligne après la version Daily Motion), ni le Big Bang Blog n'ont, malgré la réaction de Zalea TV, mis en ligne de correctif.

Màj: Comme je me rends compte que le clip "édité" n'est plus disponible, et que du coup une bonne partie de ce billet et celui qui le précède peut rester incompréhensible, je mets ici la totalité de la bande audio [MP3] en reprécisant bien qu'il s'agit d'un montage qui déforme gravement le propos de Pierre Bourdieu:

mercredi 4 octobre 2006

Gauche et droite selon Pierre Bourdieu

Mise à jour: pendant que je rédigeais ce billet, les deux clips liés et commentés ont été supprimés sur DailyMotion! Il serait intéressant de connaître le processus de cette suppression. Comme la vidéo restait en cache sur une page ouverte, j'ai pu enregistrer la bande-son. J'en mets en extrait ici l'indispensable pour que mon billet ne soit pas incompréhensible mais le reste est très intéressant aussi et un peu effrayant (comment Bourdieu explique que les signes, l'habitus sont "classants", et comment ils sont indépendants des déclarations, des choix et de l'évolution de l'individu classé. Vous vous souvenez peut-être: "paysan moyen pauvre", etc.).


(fichier MP3)

Dernière minute:
l'interview de Bourdieu est sur YouTube (plus complète, qui plus est!)



Cette vidéo fait un tabac, paraît-il, mais je ne la découvre que ce matin. Il aurait été dommage de manquer ça. "Le plus grand sociologue français des 25 dernières années" nous explique que les angoisses actuelles sur le brouillage des repères entre la gauche et la droite sont vaines. Distinguer qui est de gauche et qui est de droite est assez facile, il y a des "signes": l'homme (ou la femme) de droite est "sectaire et autoritaire", ça se voit tout de suite, dès la fac.
Mes amis de droite, plutôt doux, tolérants et sceptiques, sont donc en réalité de gauche (je vais le leur dire, ça leur fera plaisir) et mes camarades de gauche, bourdivins, dogmatiques et prompts à l'anathème (heureusement ils sont rares!), sont en réalité de droite (je ne vais pas le leur dire, ils n'aimeraient pas).
Ou alors je n'ai pas bien compris? pas su bien lire les signes?


La vidéo qui aurait été mise en ligne par Pierre Carles sur Zalea.org, n'a peut-être pas eu l'effet escompté par le metteur en ligne. Si certains se sont empressés d'utiliser l'autorité du "plus grand sociologue français" contre "la femme de Hollande", d'autres se sont bien vite aperçu que ce clip n'honorait pas particulièrement ledit ni sa pensée (voir la discussion sous le clip). Ce qui en réjouit une partie: une autre version du clip a été mise en ligne sur DailyMotion, qui lie vers le site fasciste-libéral ILYS, lequel y trouve l'occasion de faire d'une pierre 2 coups (contre la gauche intellectuelle et contre Ségolène)!

PS. A propos de gauche, de droite et de libéralisme, voir en commentaires sur leurs blogues inversement respectifs la conversation, ni sectaire, ni autoritaire, entre Garibaldo et CJ :-).

(suite)

(via Marianne 2007)
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dimanche 1 octobre 2006

Les premiers...


Je vole sans scrupule la salivante citation que je viens de trouver chez Garibaldo, Octobre:
"Dixième mois de l'année selon la méthode de compter actuelle. la température baisse, mais les gourmands ne s'en plaignent pas car l'appétit augmente à cette époque où tout est succulent. Les animaux de boucherie viennent de passer six mois au vert, leur viande est donc excellente.

Les basses-cours sont peuplées de sujets qui ne seront jamais plus savoureux; il en est de même pour le gibier: lièvres, faisans, perdreaux, becasses, bécassines, grives, alouettes, cailles, poules d'eau, sarcelles, outardes, etc., ne laissent rien à désirer.
Les poissons de mer et de rivière reviennent en faveur; les huîtres entrent dans leur période d'exquisité.

Les légumes sont encore abondants et les salades variées. Quant aux fruits, ils sont en nombre respectable: noix, noisettes, amandes fraîches, poires, pommes, figues, raisins de toutes sortes, enfin les marrons.

En un mot, le mois d'Octobre est un des meilleurs de l'année pour les gourmands et les gourmets; en aucune saison, les produits gastronomiques ne sont meilleurs et plus variés."
Source: Dictionnaire Universel de cuisine pratique- Joseph Favre, 1894. Citation volée sur Nissa 2008.

samedi 30 septembre 2006

Monique Canto-Sperber: morale et politique

De façon générale, j'ai tendance à penser que la morale et le moralisme parasitent trop souvent le débat politique (lorsqu'une éthique de conviction brouillonne et complaisante empêche l'exercice nécessaire de l'éthique de responsabilité). C'est pourquoi lorsque ce midi Monique Canto-Sperber se met à dénoncer le moralisme, je me sens très enclin à approuver mais lorsqu'elle nomme en exemples deux victimes de ce "moralisme" généralisé selon elle je ne peux en croire mes oreilles: Peter Handke et Benoit XVI.

Quant au premier, je crois me souvenir que c'est surtout Marcel Bozonnet qui a dernièrement fait l'objet d'une censure morale (se démontrant ainsi une aporie structurelle du nietzschéisme vulgaire qui transforme aisément la critique de la morale en super-morale). Pour Benoit XVI, beaucoup a été dit, on lui a reproché sa maladresse, ses lacunes historiques ou sa vision partiale de l'histoire, on a soupçonné ses intentions politiques, on l'a aussi beaucoup défendu mais je n'ai pas entendu qu'on lui ait fait la morale, en France du moins.

Qu'est-ce qui a bien pu pousser Monique Canto-Sperber à prendre ces deux exemples alors qu'on en trouverait facilement d'autres plus évidents? Je ne peux m'empêcher de penser que les "moralistes" visés ici sont, ceux qui refusent l'oubli du génocide des musulmans bosniaques comme ceux qui refusent une vision partiale de l'histoire de la chrétienté, de l'islam et de leurs rapports, ceux qui refusent que la morale peut-être mais la vérité certainement soient sacrifiées au nom de la défense de l'Occident.

lundi 25 septembre 2006

Alhazen, la camera oscura et la généalogie arabe de l'Occident

Hier soir, au retour du beau concert d'Anupama Bhagwat à Nice, je trouve dans mon courrier, en commentaire d'un billet de Cercamon sur la perspective, la demande d'une jeune fille de 13 ans concernant la date exacte de l'invention de la perspective. En vérifiant ma réponse, je tombe, dans l'article "Al-Haytham" de la Wikipedia anglaise, sur un fait que j'avais déjà croisé mais auquel je n'avais pas prêté l'attention suffisante: Alhazen aurait été l'inventeur, vers l'an 1000, de la chambre noire - en cohérence avec son invention de l'optique moderne fondée sur les trajets de la lumière du vu vers l'oeil.

Ainsi la généalogie des images qui remplissent notre monde visible pourrait être contée en trois temps: 1/ invention de la camera oscura et de la théorie optique géométrique vers l'an 1000 en Iraq, 2/ application de l'invention précédente à la représentation: invention de la perspective géométrique en Italie vers 1415, 3/ équipement de la chambre noire avec une surface chimique sensible: invention de la photographie en France en 1826. Alhazen, Brunelleschi, Niepce.

Ce rôle de la science arabe dans la génèse d'un des traits essentiels de l'Occident, n'est pas ignoré, qu'Alhazen fut l'inventeur de l'optique moderne est connu depuis toujours, pourrait-on dire, depuis sa traduction en latin à la fin du moyen-âge, pourtant on peut le dire méconnu.
Ce qui me ramène à une question qui me tourne: les faits concernant le rôle de l'aire arabo-musulmane dans la génèse de la science moderne sont bien connus, même si le dossier continue de s'étoffer. Comment se fait-il que ces faits accessibles facilement à qui cherche à savoir, ne cristallisent pas? Comment se fait-il qu'il est encore possible de dire d'un ton docte et assuré, comme le fait Jean-Claude Casanova sur France-Culture il y a quelques temps, que les arabo-musulmans n'ont été que les transmetteurs de la science gréco-latine?

Il y a une explication qui vient assez vite: l'Occident ne veut tout simplement pas voir ce qu'il doit à ce qu'il pense comme extérieur à lui, à ce qu'il a constitué en face de lui comme son rival vaincu et inférieur. Evidemment cette explication a beaucoup de vrai. Je vois une autre explication complémentaire: le relativisme post-moderne disqualifie le récit global, au moment même où il serait possible et nécessaire de le décentrer et de l'ouvrir à des acteurs non-occidentaux. Et ça, c'est un peu pathétique.

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dimanche 24 septembre 2006

Benoît XVI et l'Islam: analyses et réactions au discours de Ratisbonne

Repérages et analyses diverses mis sur Cercamon (impossible de poster sur Blogger hier matin):
  • Tariq Ramadan, dont j'ai d'abord lu le premier article cité dans l'IHT en anglais mais trouvé ensuite en français sur Oumma.com; la conclusion tirée par TR de cette affaire, sur quoi insiste particulièrement l'article du Monde, est de la nécessitée de réintégrer chrétiens, post-chrétiens et musulmans dans une histoire commune, soit celle que je soulignais l'autre jour à la suite d'un billet de Jean Baubérot - quel dommage que Tariq Ramadan soit le diable!
  • Rochdy Alili (voir note précédente sur RA: l'Islam paisible), qui fait une précise mise au point historique, concernant Manuel II Paléologue en particulier mais surtout le présupposé an-historique que la conversion par l'épée est une caractéristique essentielle de l'Islam, un peu plus énervé en conséquence par le pape que Ramadan;
  • Malik Chebel, plus critique (ou moins angélique ou moins euphémiste) à l'égard de la tradition musulmane et partant mieux veillant à l'égard de l'interpellation papale que Rochdy Alili ;
  • 2 clercs catholiques: le père Jean-Marie Gaudeul, père blanc, ancien responsable du Secrétariat pour les Relations avec l’Islam (Organisme de la Conférence Episcopale Française) et le père Samir Khalil Samir, jésuite, professeur d’islamologie et de la pensée arabe à l’Université Saint-Joseph (Beyrouth), qui était présent à la réunion de septembre 2005 à l'origine de la (petite) affaire Fessio;
  • divers intellectuels français: Henri Pena-Ruiz, Daniel Schneidermann, Robert Pollard et Jean-François Colosimo.
Mercredi Abdelwahab Meddeb était aux Matins de FC pour échanger sur l'affaire de Ratisbonne. Il a regretté que le pape ait exprimé des regrets. Ce qui me laisse songeur: je me demande si sa conviction laïciste ne l'entraîne pas dans des eaux qui ne sont pas les siennes. Quant au discours de Ratisbonne, l'interrogation initiale, celle des intentions du Pape, reste ouverte. Après une semaine, il me semble qu'il y a deux hypothèses possibles:
  • soit le Pape a été maladroit, il a oublié qu'il n'était plus le théologien Ratzinger et que le Pape n'était pas libre de son brain storming comme l'était l'universitaire, c'est l'hypothèse suggérée par le père Khalil Samir et elle est crédibilisée par ce que raconte le père Fessio de l'attachement du Pape à maintenir ses réunions académiques;
  • soit la provocation a été délibérée et (plus ou moins) soigneusement calculée, hypothèse en faveur apparemment dans la presse anglo-saxonne - dans cette hypothèse la vision des rapports entre la chrétienté et l'Islam sous-jacente reste fondamentalement antagoniste et les regrets exprimés sont de tactique.
Si la première hypothèse est la bonne, alors l'expression des regrets est naturelle. Si la seconde est la bonne, regretter les regrets du Pape, c'est regretter que l'antagonisme ne soit pas plus brutal. Je ne peux croire que ce serait là la position d'Abdelwahab Meddeb.

Ce même mercredi, Philippe Val, dans l'édito de Charlie-Hebdo, a donné son analyse qui est comme une longue brève de comptoir (une longue de comptoir) pas drôle et à quoi manquerait la grâce de l'ivresse.

Extraits:
La démocratie est née de l'athéisme. Tous les démocrates, évidemment, ne sont pas athées, mais, pour simplifier, on pourrait dire que c'est la part d'eux-mêmes qui nie qu'un dieu quelconque organise la société humaine qui les a convertis à la démocratie.
En réalité, d'un point de vue philosophique, on est en face de deux conceptions du monde:
1. Celle qui affirme que l'Univers est composé de deux substances distinctes, l'esprit et la matière. Il en découle tout ce qui justifie les dictatures, même celles qui, tels les communistes, se prétendent athées.
(On conçoit que du côté du matérialisme dogmatique, le discours du Pape ne soulève pas un intérêt exagéré: c'est un peu prise de tête!)

PS. Mis sur Cercamon un billet sur l'affaire Fessio, une sorte de répétition générale du discours de Ratisbonne.

(Je finis de poster ce billet en écoutant l'Esprit Public... Rémi Bourlanges plaide pour l'hypothèse 1 : Ratzinger pas encore assez Pape - et incidemment (courageusement?) reconnaît la pertinence de l'analyse de Ramadan, Max Gallo, contre lui, pour l'hypothèse 2: le Pape attaque et il a raison, ce qui n'étonnera personne.)

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lundi 18 septembre 2006

Le discours de Ratisbonne

Depuis hier une traduction française est disponible sur le site du Monde. Jusque là on n'en trouvait que des versions allemande (l'originale), italienne et anglaise sur le site du Vatican.

A la lecture deux constatations:

- cohérence et pertinence de la pensée développée dans ce discours. Cohérence basée sur la conception du christianisme conçu comme synthèse de la révélation juive et de la philosophie grecque. Pertinence parce qu'elle repose à l'Islam la question essentielle de l'interprétation de la révélation coranique. Dire comme Alexandre Adler tout à l'heure sur FC que Benoît XVI s'en prend au "rationalisme contemporain" est un contre-sens. Au contraire, le point de vue de pape serait plutôt hyper-rationaliste. L'interprétation d'Adler reprend la position de ceux qui au prétexte de lutte contre le créationnisme font du nihilisme la position scientifique nécessaire.

- la ligne d'excuse de l'église catholique selon quoi les extraits de l'ouvrage de Manuel II Paléologue ne reflèteraient pas la pensée du pape n'est pas convaincante à la lecture du texte. Dans son discours le pape ne prend pas explicitement ses distances avec le texte de Manuel II et dans tout le discours l'Islam n'apparaît que selon la présentation de Manuel II.
Au delà du Coran et du prophète de l'Islam, l'Islam n'apparaît dans le cours du discours que (par la grâce de l'éditeur du texte de l'empereur, ou plus exactement de R. Arnaldez cité par l'éditeur) représenté par Ibn Hazm (écrit "Ibn Hazn" dans les versions allemande et anglaise), qui, s'il est plutôt connu en Occident comme l'auteur du "Collier de la Colombe", traîté sur l'amour, a surtout été, en Andalousie, le champion d'une version littéraliste de l'Islam. (Il y a chez l'éditeur un glissement: il cite Arnaldez pour illuster la "doctrine musulmane". Or Arnaldez, qui ne méritait pas ça, ne parle que de la doctrine littéraliste d'Ibn Hazm et non de la doctrine musulmane en soi.)

Le texte de Manuel II est toujours disponible aux Sources Chrétiennes (Cerf). Comme il se trouve que je l'avais, je l'ai relu pendant le week-end. L'intérêt de la lecture n'est pas anecdotique: il me semble y trouver que la citation faite par le pape n'est pas anecdotique et qu'il y a un accord plus profond (et un peu inquiétant), voir la partie, à quoi le pape fait allusion, du rapport entre les 3 lois.

Ce qui est curieux enfin, c'est la littéralité avec laquelle le pape reprend cette édition, en particulier la note de Théodore Khoury où il est fait allusion à Ibn Hazm et R. Arnaldez et où il est dit que pour l'Islam la volonté de Dieu, de par son absolue transcendance, n'est pas liée par la raison. Comme s'il avait lu ça la veille et qu'il en faisait état auprès de collègues philosophes et théologiens sans avoir pris le temps de la réflexion et du recoupement.

Conclusion: il semble que Benoît XVI soit encore un peu trop Ratzinger.







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